Vadym Chovgan. La situation est bien pire que dans le reste du pays, selon les rapports que nos partenaires et nous-même recevons. On entend que les autorités russes mobilisent des prisonniers de leur propre territoire, les traitant comme une matière première qui peut être gaspillée, jetée dans la guerre comme de la chair à canon. Leur logique d’exploitation des prisonniers s’applique aussi aux prisons ukrainiennes. Deux exemples : les autorités russes ne parviennent pas à convaincre suffisamment de citoyens ukrainiens d’accepter la citoyenneté russe. Elles obligent donc les prisonniers à signer un document demandant la nationalité russe. Les prisonniers sont également utilisés pour exécuter du travail forcé : sous la menace, ils sont contraints de creuser des tranchées pour l’armée russe. S’ils refusent, ils sont menacés, torturés, voire pire encore. Cela montre comment les personnes privées de liberté sont instrumentalisées à des fins politiques, parce que les autorités ont plus de contrôle sur elles que les citoyens libres.
Des lance-roquettes et des systèmes de missiles sont placés par les Russes à côté des prisons dans les régions occupées. Les établissements pénitentiaires sont utilisés comme des bases militaires, pour stocker des munitions et héberger des soldats russes pour la nuit. Les établissements pénitentiaires présentent un intérêt considérable pour les autorités russes, du fait que des centaines de personnes y sont concentrées : les forces ukrainiennes n’y lanceront pas d’attaque, de peur de tuer beaucoup des leurs.
Certains rapports indiquent qu’il y a des pénuries et que l’approvisionnement en nourriture et en eau est insuffisant, mais nous ne sommes pas en mesure de le confirmer. Nous avons dû cesser toute communication directe avec les prisonniers incarcérés dans les territoires occupés : l’interception du moindre message d’un prisonnier pourrait entraîner sa mort.
Nous constatons d’importantes violations des procédures pénales. Environ un tiers de la population carcérale n’a pas encore été jugé. Nombre d’entre eux atteignent la limite légale maximale de la détention provisoire. Les tribunaux ne fonctionnent actuellement pas dans les territoires occupés. En lieu et place de cela, des jugements de condamnation sont rendus par des commissions composées uniquement de personnel de l’administration pénitentiaire. Cela constitue un déni total de tous les recours juridiques de base : les directeurs de prison assument le rôle de juge, les prisonniers n’ont pas d’avocat et il n’y a aucune possibilité de faire appel de la décision.
Certaines prisons des territoires occupés sont également utilisées pour les détenus civils et les prisonniers de guerre, parfois dans des quartiers séparés. Les prisons sont, d’une certaine manière, faciles à exploiter : il y a toujours de la main-d’œuvre à disposition, des prisonniers, et aussi du personnel pénitentiaire. Une partie du personnel pénitentiaire ukrainien est parti lorsque les forces russes ont pris le contrôle des prisons. Ceux qui sont restés sont considérés comme des collaborateurs par la loi ukrainienne.