Prison Insider. Comment cette prison a-t-elle été créée et pourquoi ?
Luis Parodi. Durant la dictature, c’était une prison pour femmes. Elle a fermé puis a rouvert en 2010. Nous sommes arrivés en 2012 et avons envisagé une prison différente. L’idée fondamentale était la suivante : la prison doit ressembler le plus possible au monde extérieur. J’ai ensuite transmis le projet au Conseil national. Cette idée découle de l’expérience de nombreuses années de vie, de choses vues… C’est le fruit d’une réflexion qui émane d’amis, d’écrivains, de livres, d’échecs… J’ai apporté la base du projet. Je me charge du respect absolu des personnes détenues comme non-détenues, et m’efforce de rendre cet espace semblable au monde extérieur.
Sachant qu’ils sortiront un jour, il est important qu’ils partent dans de meilleures conditions qu’à leur arrivée. Pour ce faire, respecter les droits de chacun, faire des concessions et promouvoir la diversité sont des règles primordiales. Ainsi, toutes les religions, les philosophies, les visions du monde, pour l’avortement, contre… tout est mélangé ici.
PI. Les résultats obtenus sont-ils meilleurs que dans les autres prisons ?¶
LP. Nous pensons que oui. Mais indépendamment de cela, selon un principe de base en éducation, untel fait ce qu’il doit faire tandis qu’un autre fait ce qu’il peut. C’est le fondement même de la pédagogie. Nous aimerions connaitre les résultats pour savoir si notre approche améliore certaines choses, mais nous continuerons à respecter les droits de ces individus, même si les résultats obtenus sont mauvais. Il y a de toute façon des limites.
Si je viole les droits de ces personnes, la société ne sera plus confrontée à un mais à deux problèmes : d’un côté les délinquants, et de l’autre moi, qui viole leurs droits.
Donc, bien sûr, j’aimerais savoir comment ils se débrouillent dehors à leur libération pour pouvoir améliorer certains aspects en amont, mais certaines pratiques ne changeront pas.
PI. La cohabitation entre les détenus est-elle problématique ?¶
LP. Nous rencontrons certaines difficultés. Nous travaillons beaucoup sur la résolution démocratique des conflits. Si l’on parvient à gérer les conflits de cette manière, on a gagné une grande partie du match. Tout conflit humain devrait se résoudre sans humilier ou soumettre l’autre, quel que soit le lieu, et c’est valable ici aussi.