J’ai commencé le projet Días Eternos au Venezuela, en 2017. J’ai quitté mon pays en 2009 et à mon retour, j’ai vu que tout s’était dégradé, que les prix avaient augmenté de manière absolument disproportionnée. Les infrastructures étaient dans un état déplorable. Le moral de tout le monde était au plus bas.
J’ai donc décidé de me lancer dans un projet qui se concentrerait sur les causes profondes de la crise que traversait mon pays et, à ce moment-là, précisément, j’ai fait la connaissance d’une reporter vénézuélienne qui travaillait pour Una ventana a la libertad, une ONG qui défend les droits des personnes placées en détention provisoire. J’ai découvert avec elle à quel point la situation dans laquelle se trouvait ces femmes était lamentable : elles ne recevaient aucune aide, de quelque sorte que ce soit, de l’État : ni nourriture, ni eau, ni soins médicaux. J’ai découvert que des femmes, enfermées avec les hommes, étaient enceintes en prison. Elle m’a proposé de l’accompagner pour une visite : tout ce qu’elle m’avait raconté s’est confirmé.
Je me suis retrouvée devant une petite cellule dans laquelle se trouvaient onze femmes, dont l’une, 21 ans, enceinte de huit mois. Ces femmes avaient auparavant partagé la cellule d’hommes. Le système pénitentiaire ne prend pas en compte la situation des femmes trans, que l’on enferme donc avec les hommes, les exposant au risque d’être violées et agressées sexuellement. Les sanitaires de cette prison avaient été improvisées sur l’ancien emplacement du parking. Quatre murs de carton, une sorte de vasque sans aucun système d’évacuation, que l’on vidait et remplissait à la main. Les femmes se lavaient là-bas, à côté de cette installation, et n’avaient pas de douche. Ces femmes restaient en prison des mois, parfois des années, sans jamais avoir rencontré leur avocat, sans voir leurs enfants, sans nourriture, sans eau. Elles ne savaient pas quand elles sortiraient, ni même si elles sortiraient un jour. Toutes, sans exceptions, étaient issues de classes sociales défavorisées.
Au Venezuela, les membres des classes moyennes et supérieures ne vont jamais en prison, pas davantage que ceux qui travaillent pour le gouvernement ; la justice de mon pays est une cause perdue. Mon travail a pour objectif de documenter les racines de la crise que connaît mon pays. Le système judiciaire ne fonctionne pas de la même façon pour tout le monde. Dans les faits, il frappe essentiellement les personnes les plus défavorisées.
Mon travail porte également sur la détention provisoire qui peut durer des années en raison des importants retards de procédure. Ces retards ont pour conséquence la surpopulation carcérale, qui engendre à son tour violences et maladies comme la tuberculose, le SIDA, la malnutrition…