Contributeur(s)Prison Insider

Populations spécifiques

La Direction générale du système pénitentiaire (DGSP) dénombre, en juillet 2016, 20 697 personnes détenues contre 8158 en 2008. L’augmentation est d’environ 150%. Le taux d’incarcération passe de 60 en 2008 à 115 en juillet 2016.

Le taux de surpopulation carcérale estimé, en 2010, à 159% approche, en juillet 2016, les 300%. La surpopulation n’affecte pas de la même façon tous les établissements pénitentiaires : le centre de détention pour femmes Santa Teresita a un taux de 527%, celui pour hommes Annexe B Zone 18, de 514%, celui de Puerto Barrios de 403% et six autres centres ont un taux situé entre 201 et 283%.

A l’instar d’autres pays de la région, les taux élevés de surpopulation sont en rapport avec les politiques de “main dure” menées par l’Etat contre la criminalité, le recours abusif à la détention provisoire et les retards de la justice.

En mai 2015, 48.6% des personnes privées de liberté sont en détention provisoire. La durée de cette détention est en moyenne de dix mois. Les lenteurs du système judiciaire sont notamment en cause. Selon le président de la COPREDEH, Antonio Arenales Forno, 4 000 personnes environ – un cinquième de la population carcérale- pourraient être libérées, soit parce qu’elles sont condamnées pour un délit mineur, soit parce qu’elles ont déjà purgé leur peine1.

Les personnes en détention provisoire ne sont pas séparées des personnes condamnées. Le personnel de la DGSP n’établit aucun diagnostic, observation ou évaluation de la personne avant son admission dans la prison qui lui est assignée.

Les locaux de police sont utilisés également comme centres de détention. Ils ne sont pas habilités pour cela. En 2014, 190 personnes purgeaient leur peine dans un local de la police. En 2015 elles sont 231 (223 hommes et 8 femmes)2.


  1. UDEFEGUA et OMCT, Rapport destiné au Comité contre la torture - 55° session, février 2015, p. 9 (en espagnol) 

  2. Procuraduría de Droits de l’Homme, Informe Anual Circunstanciado 2015, p. 101 (en espagnol) 

Prévenus

48,6 %

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20/05/2015
/ World Prison Brief

La DGSP dénombre 1987 femmes privées de liberté à la date du 27 juillet 2016, soit 9.6% de la population carcérale du pays.

Deux établissements pénitentiaires sont exclusivement réservés aux femmes : l’un pour celles qui sont en détention préventive, l’autre pour les condamnées. Il existe treize prisons dans lesquelles un quartier séparé est réservé aux femmes. Neuf centres pénitentiaires pour femmes sont administrés par la DGSP, les six autres sont sous la tutelle de la police nationale civile (PNC).

Le parc pénitentiaire dispose de 980 places effectives pour femmes, ce qui signifie un taux de surpopulation de 200%. L’infrastructure de ces établissements est en très mauvais état. Il n’y a pas de cellules individuelles. Les femmes dorment dans des dortoirs dont les places sont séparées par des draps.

Dans le centre pénitentiaire Los Jocotes à Zacapa, les détenues ont accès à l’eau deux heures par jour et il leur est interdit de se rendre aux toilettes entre 9h du soir et 6h du matin. Dans le pavillon disciplinaire du centre de détention préventive pour femmes Santa Teresita, 82 détenues se partagent un seul WC1.

Les fouilles sont pratiquées de façon vexatoire. Les femmes sont obligées de se déshabiller en présence de personnels masculins et de subir des explorations vaginales - exécutées par des surveillantes.

Les enfants peuvent demeurer auprès de leur mère jusqu’à l’âge de quatre ans. En juillet 2016, 86 enfants (43 filles et 43 garçons) séjournent dans les prisons guatémaltèques. La DGSP ne prévoit pas de budget pour l’alimentation et la santé de ces enfants ; quelques ONG locales ou internationales et des groupes ecclésiastiques collectent des fonds pour satisfaire leurs besoins vitaux.

Corinne Dedik, chercheuse au Centro de Investigaciones Económicas Nacionales (CIEN), déclare, à propos des enfants qui vivent avec leurs mères : “Ce sont des âges où les petits imitent tout ce qu’ils voient. C’est perceptible dans leurs jeux. L’un des plus fréquents est d’imiter les fouilles périodiques qui sont pratiquées pour rechercher des objets interdits, comme les téléphones portables, l’alcool et les drogues. Trois ou quatre enfants font les surveillants et les autres cachent leurs jouets en espérant qu’ils ne seront pas découverts.”2

La construction d’une unité exclusivement réservée aux détenues et à leurs enfants - avec 45 places pour les mères et autant pour leurs enfants - est actuellement en cours. Elle bénéficie de l’appui de la Communauté européenne et devait être inaugurée en avril 2017.

Pour plus d’informations sur les conditions de détention des femmes au Guatemala, voir les rapports de l’ONG Colectivo Artesanas

Femmes détenues

9,6 %

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27/07/2016
/ Direction générale du système pénitentiaire

Les centres correctionnels pour mineurs sont administrés par la Secretaría de Bienestar Social (SBS). Le nombre de mineurs privés de liberté est passé de 746 en 2012 à 1092 en 2016, soit une augmentation de 32% en quatre ans. Le taux de surpopulation est proche de 200%1.

Les quatre centres correctionnels pour mineurs du pays sont tous situés dans le département de Guatemala :

  • le Centro Juvenil de Privación Provisional para Varones (CEJUDEP) ou “Las Gaviotas” ;
  • le Centro Juvenil de Privación de Libertad para Varones Anexo II (CEJUPLIV) ;
  • le Centro Juvenil de Privación de Libertad para Varones II (etapa II) ;
  • le Centro Juvenil de Privación de Libertad para Mujeres (CEJUPLIM) ou “Los Gorriones”.

Les mineurs ne sont pas séparés en fonction de leur situation juridique (prévenus ou condamnés). Les membres de bandes sont séparés du reste des mineurs.

La privation de liberté n’est pas utilisée comme mesure exceptionnelle. La loi sur la protection de l’enfance et de l’adolescence le prescrit pourtant. Les garanties procédurales pour les mineurs ne sont pas respectées non plus. En octobre 2015, le ministère public et le bureau local de l’Unicef présentent conjointement le dispositif de prise en charge et suivi spécialisé pour les adolescents délinquants.

Tous les établissements sont situés à proximité de la capitale2. Les enfants originaires de zones éloignées ont des difficultés pour maintenir leurs liens avec leurs proches.

Dans son rapport 2015, la Procuraduría de Derechos Humanos (PDH) constate que dans les cellules du centre Las Gaviotas qui “mesurent quatre mètres sur trois et comportent, outre les toilettes, une seule couchette, cohabitent jusqu’à 23 adolescents en instance de jugement3”. Ni ce centre, ni celui des Gorriones ne disposent d’espace de plein air.

Le personnel est insuffisant : à Las Gaviotas, par exemple, les surveillants sont au nombre de 55 pour 487 jeunes, soit un ratio de 9.14. Le manque de personnel médical qualifié ne permet pas de prise en charge thérapeutique personnalisée.

La PDH signale que les centres correctionnels ne proposent pas de véritables programmes éducatifs et ne disposent pas d’une salle d’étude. Le matériel pédagogique et le personnel éducatif ne satisfont pas les besoins.

Il en résulte que les mineurs passent en moyenne 23 heures par jour enfermés dans leurs cellules.

Pour maintenir l’ordre, le modèle de discipline militaire est privilégié et les punitions infligées aux jeunes gens consistent par exemple à leur raser la tête.

Le Tribunal pour mineurs affirme, en juillet 2016, que 90% des enfants privés de liberté se réadaptent. Ils ne sont plus que 40% quand ils font partie de bandes. Le tribunal ne fournit aucun indicateur, comme celui par exemple du taux de récidive, pour corroborer ses affirmations5.


  1. Privados de esperanzas, menores están sin libertad y con carencias” dans Prensa Libre, 24 juillet 2016 (en espagnol) 

  2. El 73 por ciento de los jóvenes privados de libertad provienen del área metropolitana” dans La Hora, 18 août 2016 (en espagnol) 

  3. Procuraduría de los Derechos Humanos, Rapport destiné au Comité contre la torture - 55° session, février 2015, p. 41 (en espagnol) 

  4. Así es un día en “Las Gaviotas”, la cárcel para menores” dans Soy 502, 24 septembre 2016 (en espagnol) 

  5. El 70% de jóvenes se rehabilita” dans Prensa Libre, 16 juillet 2016 (en espagnol) 

Mineurs détenus

5,3 %

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01/07/2016
/ Secrétariat du bien-être social

En juillet 2016, 677 personnes de nationalité étrangère sont détenues au Guatemala (584 hommes et 93 femmes)1.

Le premier pays de provenance des détenus étrangers est le Salvador, frontalier du Guatemala : 178 hommes et 38 femmes de ce pays y sont détenus en juillet 2016. Nombre d’entre eux appartenaient à des bandes comme la Mara Salvatrucha et le Barrio 18.

Le trafic de stupéfiants, le vol aggravé et l’homicide sont parmi les infractions les plus fréquentes.

Le blanchiment d’argent est aussi fréquent en Amérique centrale2. L’article 4 de la loi contre le blanchiment établit qu’il est passible d’une peine privative de liberté, ainsi que d’une amende équivalant à la valeur totale des actifs faisant l’objet du délit. Cela revient à une double pénalité : des personnes qui ont déjà purgé leur peine restent détenues du fait qu’elles n’arrivent pas à payer l’amende. Le manque d’offre de travail dans les prisons et l’absence de liens familiaux empêchent les détenus de payer les amendes qui leur sont infligées. Il en résulte des peines de prison beaucoup plus longues que la peine initiale. Plusieurs organisations engagent, le 25 janvier 2017, une action en justice destinée à prouver l’inconstitutionnalité partielle de l’article 4 de la loi sur le blanchiment d’argent, sur la base du résultat de double pénalité. L’Instituto de la Defensa Pública Penal (IDPP) est à la tête de cette initiative qui vise à ce que les personnes détenues pour défaut de paiement d’amendes puissent recouvrer la liberté.

Cette rubrique “Les étrangers” est rédigée par Patricia Vargas, avocate, membre d’Avocats sans frontières.


  1. Hay 677 extranjeros guardando prisión en el país” dans La Prensa, 4 juillet 2016 (en espagnol) 

  2. 385 personas están detenidas en las cárceles por lavado de dinero” dans La Hora, 30 janvier 2017 (en espagnol) 

Le diagnostic établi en 2015 par la Red Nacional de la Diversidad Sexual y VIH de Guatemala (REDNADS) dans sept centres pénitentiaires du pays montre que :

  • Les femmes trans victimes de viols ou d’aggressions sexuelles ne déposent pas plainte par peur de représailles.

  • Dans les centres de détention pour hommes, il existe quelques normes sociales informelles : par exemple, les jours de parloir, les femmes “trans” ne peuvent pas sortir ou s’habiller comme elles le veulent, car il y a des enfants et des parents qui rendent visite à d’autres détenus.

  • Les cas de harcèlement sont fréquents, en particulier dans les centres de détention pour hommes. Les personnes LGBTI sont victimes de moqueries, de brimades et sont employées comme esclaves. 18% des personnes interrogées affirment avoir été victimes de mauvais traitements, tels que violences sexuelles, physiques et verbales, isolement et imposition d’une religion.

  • De nombreuses femmes lesbiennes sont séparées de leurs enfants sur la base de préjugés. Les marques d’affection entre personnes de même sexe, comme se tenir par la main ou s’embrasser, sont interdites et sanctionnées.

  • Les personnes LGBTI privées de liberté n’ont pas droit à des visites intimes ou conjugales.

  • Le Guatemala est une société éminemment patriarcale, le système pénitentiaire est un reflet de cette société et de sa structure. Les violations des droits de l’homme en milieu carcéral qui sont révélées au grand jour ne représentent pas 1% des cas de violation systématique concernant la population LGBTI.

  • La violence à l’encontre de la population LGBTI n’a pas de visibilité. Dans les cas de viol, par exemple, c’est généralement l’agresseur qui est victimisé ou bien la véracité du fait qui est mise en question pour en diminuer l’importance. La violence dont sont l’objet les femmes “trans” et les hommes homosexuels, dès leur incarcération, est devenue progressivement habituelle et fait partie du quotidien de ces collectifs.

  • En 2012, la DGSP publie une circulaire ordonnant de couper les cheveux des hommes détenus. Cette mesure est appliquée exclusivement aux personnes “trans”, violant ainsi le príncipe d’égalité facer à la loi. L’organisation OTRANS “Reinas de la Noche”, la Red Legalet la Procuraduría de Derechos Humanos ont introduit un recours devant la Cour constitutionnelle qui invalide la circulaire et ordonne de former le personnel pénitentiaire en matière de droits des personnes “trans” privées de liberté ; actuellement, le personnel ignore cette disposition qui constitue un précédent juridique important pour le droit au libre développement personnel de la population LGBTI.

En 2015, des organisations de défense des droits LGBTI élaborent une série de normes d’assistance minimales aux personnes LGBTI en situation de privation de liberté mais celles-ci ne sont pas prises en compte, à ce jour. L’importante rotation du personnel et de la direction de l’administration pénitentiaire en serait en partie la cause. Il est envisagé actuellement de les instituer par décret gouvernemental pour qu’elles aient force obligatoire.

La section “LGBTI” de la fiche pays Guatemala a été rédigée par l’avocate Patricia Vargas, membre de l’organisation “ Avocats sans frontières”.