Les auteurs d’infractions reconnus pénalement irresponsables sont soumis à une obligation de soins. Ces ”mesures d’internement” constituent la ”défense sociale”. Elle vise, selon l’article 2 de la loi du 5 mai 2014, à ”protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société”. La sécurité de la société prime, en réalité, sur l’objectif de réinsertion de la personne.
Le juge déclare l’irresponsabilité pénale de la personne et lui impose une mesure d’internement. La Chambre de protection sociale (CPS) est responsable du placement de la personne sous mesure d’internement. Elle peut le prononcer à tout moment du parcours pénal. Le consentement de la personne n’est pas nécessaire. La CPS peut transformer toute peine de prison en mesure de soins sur demande de l’administration pénitentiaire et après avis d’un psychiatre. Elle est en charge des modalités d’exécution de la mesure.
Le transfert. Les délais de transfert en établissement dédié sont généralement longs. Les personnes peuvent attendre jusqu’à deux ans pour intégrer l’établissement de défense sociale (EDS) de Paifve. Elles sont généralement détenues en annexes psychiatriques dans l’attente de leur transfert.
La durée de placement. La durée de placement dépend des établissements dédiés. L’EDS de Paifve accueille les personnes sous mesure d’internement pour une durée moyenne de sept ans. Le CPT rapporte le cas d’une personne placée en 1977, encore internée en 2017. Le CPT souligne, qu’en réalité, les personnes sous mesure d’internement y restent plus longtemps en raison du manque de places des autres établissements psychiatriques. Cette situation fait obstacle à l’internement de nouveaux patients. La durée moyenne d’internement à l’hôpital psychiatrique de Tournai est de huit ans.
Le réexamen de la mesure. La CPS est en charge du réexamen de la mesure. Il se fait à la demande du patient ou sur décision judiciaire. La CPS peut adapter les modalités d’exécution de la mesure en fonction de l’amélioration de l’état de santé du patient. Elle peut accorder une ”détention limitée” pour permettre au patient de quitter l’établissement 16 heures par jour au maximum. Des libérations à l’essai ou des libérations anticipées peuvent également être accordées lorsque le trouble psychique ”est suffisamment stabilisé pour qu’il n’y ait plus de risque de danger de récidive d’atteinte aux personnes”. La CPS accorde généralement peu de mesures de libération aux auteurs d’infractions sexuelles.
Une personne sous mesure d’internement peut faire appel du placement devant la ”Chambre des mises en accusation” dans les 30 jours après la décision. Si une personne détenue fait l’objet d’une mesure d’internement, elle peut la contester devant la Cour d’appel dans les 15 jours après notification de la décision.
Les personnes sous mesure d’internement séjournent, en principe, dans un établissement dédié. Il en existe de trois sortes.
Les établissements et sections de défense sociales (EDS et SDS)¶
Sept établissements et sections de défense sociale existent. L’EDS de Paifve est exclusivement réservé aux personnes internées. Il est sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Les établissements pénitentiaires d’Anvers, Merksplas, Turnhout, et Bruges disposent chacun d’un SDS dans leur enceinte. La SDS de Bruges est la seule dédiée aux femmes.
Le quotidien¶
Le régime de prise en charge des EDS est similaire à celui des annexes psychiatriques. Les patients sont majoritairement encadrés par des agents pénitentiaires. Le CPT rapporte que leur prise en charge est marquée par une logique sécuritaire. Il note l’absence de toute activité thérapeutique ou occupationnelle adaptée à l’EDS Paifve. Le fort taux d’absentéisme des agents limite l’offre des activités. Les personnes placées voient en conséquence leur accès à la douche réduit. Les portes des chambres sont généralement ouvertes la journée, sauf pour les patients considérés difficiles.
Tous les patients ont généralement droit à une heure de promenade par jour. Ils peuvent être placés à l’isolement pour des raisons disciplinaires et médicales. L’isolement disciplinaire se déroule dans la chambre du patient tandis que l’isolement médical se fait en cellule d’isolement. L’isolement médical doit être ordonné par le psychiatre. Le CPT ne reconnait aucune justification thérapeutique aux mesures d’isolement disciplinaires.
Le CPT rapporte que les patients sont menottés le temps du transfert en cellule d’isolement, et parfois lors des mesures d’isolement à la SDS de Bruges. Il rapporte l’absence de justification dans certains cas.
Organisation des soins¶
Les patients de l’EDS de Paifve ont accès à un psychiatre toutes les quatre à six semaines. Les psychiatres interviennent principalement pour gérer les situations d’urgence. L’essentiel du suivi est assuré par des psychologues. Le personnel soignant est absent le soir et les week-ends.
Le CPT rapporte qu’aucun plan individuel de traitement n’est prévu dans les dossiers médicaux. Des thérapies de groupe et d’ergothérapies sont tenues de manière irrégulière. La médication reste le premier traitement. Les familles ne sont pas tenues au courant de l’évolution et du suivi de leur proche patient à l’EDS de Paifve. Peu de contacts sont possibles avec les professionnels de santé
Un ”programme spécifique pour internés avec handicap mental” est prévu dans trois SDS. Il est assuré par des professionnels extérieurs à la prison. Trois psychiatres sont en charge de la SDS de Bruges ainsi que de l’ensemble de l’établissement pénitentiaire.
Formation¶
Les surveillants pénitentiaires de l’EDS de Paifve ne reçoivent aucune formation spécifique. Ils ne disposent pas non plus de formation aux premiers secours. La loi prévoit une formation spécifique pour les surveillants pénitentiaires qui exercent en SDS. Aucun n’a, dans les faits, bénéficié de cette formation.
Continuité des soins¶
La continuité des soins est similaire pour toute personne sous mesure d’internement quel que soit son établissement.
Des projets de ”Trajets de soins pour patients internés” (TSI) sont développés à Bruxelles et en Wallonie pour assurer la continuité des soins et favoriser la réinsertion. Une mesure de soins est possible en établissement psychiatrique ou de manière ambulatoire. Un ”réseau de soins” est constitué entre l’établissement dédié et les équipes de soins. Un coordinateur assure la continuité des relations, tant médicales que judiciaires. Une équipe spécialisée ”outreach” de l’hôpital de Sint-Kamillus suit les personnes sortantes.
Les centres de psychiatrie légale (CPL)¶
Ils sont au nombre de deux, à Gand et Anvers. Ce type d’établissement accueille uniquement les personnes sous mesure d’internement. L’administration pénitentiaire en gère la sécurité et les infrastructures et le ministère de la Santé est en charge des soins. Trois nouveaux CPL sont annoncés à Alost, à Wavre et à Paifve, sans date prévue.
Le quotidien¶
Les conditions de séjour au CPL de Gand sont fixées en fonction du ”trajet de soins” du patient. Il est d’abord placé en période d’observation dans l’unité ”soins intensifs” puis transféré en unité de ”resocialisation” et enfin en ”réintégration”. Le patient dispose ainsi d’une autonomie et d’une liberté croissantes. Les patients de l’unité ”soins intensifs” disposent d’une heure à l’extérieur tandis que ceux de l’unité ”réintégration” peuvent se voir accorder des permissions de sortir la journée.
Les patients peuvent être placés en cellule d’isolement ou en ”chambre d’hypostimulation”, sur décision du psychiatre ou du psychologue. Le CPT rapporte que les raisons d’un tel placement sont justifiées avec trop peu de clarté. Les patients reçoivent la visite d’un soignant toutes les heures. Le CPT note la longueur conséquente des placements : 22 jours pour les ”chambres d’hypostimulation” et 44 jours pour les chambres d’isolement.
Organisation des soins¶
Des traitements médicamenteux et des thérapies sont proposés. Le CPT rapporte des cas de surmédication au CPL de Gand. Il note le cas d’un patient soumis à sept médicaments différents avec des dosages parfois très élevés. Les patients consultent un psychiatre au moins une fois par mois. Leur situation est réévaluée tous les six mois.
Formation¶
Formation du personnel de santé. Le personnel soignant du CPL de Gand suit une formation de cinq jours sur la gestion de la violence des patients. Certains soignants ont une formation particulière pour appliquer le placement en isolement.
Formation du personnel de surveillance. Le personnel de surveillance du CPL de Gand est uniquement chargé de la sécurité extérieure.
Les hôpitaux psychiatriques généraux sous contrat¶
L’État conclut des accords avec des hôpitaux psychiatriques généraux pour accueillir les personnes sous mesure d’internement. La CPS décide d’un tel placement. Cinq hôpitaux psychiatriques disposent d’une section destinée aux personnes internées. Ils dépendent tous du ministère de la Santé. L’unité ”Long stay” de l’hôpital d’Alost devrait ouvrir en 2022.
Le quotidien¶
À Tournai, les patients sont pris en charge au sein d’une section sécurisée de l’hôpital psychiatrique. Ils sont d’abord accueillis dans l’unité d’”admission” avant d’être transférés dans différentes sections en fonction de leur pathologie. Chaque section dispose d’une salle d’activité. Les patients peuvent circuler librement et détiennent généralement la clé de leur chambre. Des activités artistiques et extérieures sont proposées. Les patients peuvent travailler à l’extérieur grâce à des contrats passés avec des entreprises.
Organisation des soins¶
L’offre thérapeutique de l’hôpital de Tournai est axée sur la prévention de la récidive. Des groupes de paroles sur différents thèmes sont organisés. Le projet ”Épicéa” est destiné aux auteurs d’infraction sexuelle. Il est géré par une équipe de soins pluridisciplinaire. Deux psychologues, un éducateur, un ergothérapeute, une assistante sociale et deux infirmiers la composent. Un médecin psychiatre en est responsable. Le traitement des patients de l’hôpital de Sint-Kamillus passe principalement par les conditions de vie et l’environnement.
Formation¶
L’hôpital de Sint-Kamillus ne compte aucun personnel de surveillance.