Contributeur(s)Prison Insider

Populations spécifiques

Le phénomène d’inflation carcérale s’accélère. La population s’élève, en novembre 2017, à 10 630 personnes détenues. Elle augmente de 24 % en l’espace de dix-huit mois, entre avril 2016 et novembre 2017. Les prisonniers étaient au nombre de 8 559 en avril 2016.

Le taux d’incarcération, au 1er novembre 2017, est de 98 détenus pour 100 000 habitants.

La détention provisoire globale concerne, en novembre 2017, 54 % (5 696) de la population carcérale contre 59 % en avril 2016.

Tous les établissements accueillent des prévenus. La séparation des prisonniers, en fonction de leur statut juridique, est rarement respectée. La part de la population carcérale en attente de jugement se répartit de manière inégale selon les prisons.

Le système pénitentiaire dispose, en novembre 2017, d’un total de 4 194 places, dont 144 places pour les mineurs (données officielles de la Direction générale des affaires pénitentiaires).

Le taux d’occupation est estimé à 253 % en novembre 2017. Il était de 211 % en avril 2016.

Certains établissements sont particulièrement surpeuplés. La prison centrale de Mpimba (Bujumbura) accueille, au 1er novembre 2017, 3 561 détenus pour une capacité de 800 places. Le taux d’occupation y est de 445 %. Dans la maison d’arrêt de Muramvya, où sont enfermés de nombreux opposants au régime, le taux d’occupation est de 670 % (670 détenus pour une capacité de 100 places).

Le système carcéral burundais est touché par la surpopulation dès la naissance des prisons coloniales. La surcharge pénitentiaire s’explique par un recours excessif à la détention provisoire, le maintien en prison d’individus bénéficiant de liberté conditionnelle et par des cycles d’emprisonnements massifs liés aux crises politico-ethniques qui se succèdent depuis des décennies. Plusieurs de ces vagues d’inflation carcérale ont été imparfaitement réglées par des mesures de désengorgement ou des grâces présidentielles. Environ 2 000 prisonniers sont ainsi libérés entre 2000 et 2006 pour vider ce qui est appelé “le contentieux de 1993”, lié à la guerre civile.

La grande majorité des détenus était incarcérée, en 2015, pour vol avec ou sans circonstances aggravantes (plus des deux tiers). Un grand nombre est enfermé, en 2017, en raison d’atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État (ASIE et ASEE).

Prévenus

54 %

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01/11/2017
/ SOS Torture Burundi

Les femmes représentent, au 1er novembre 2017, 5.4 % de la population carcérale, soit 570 personnes. Elles étaient 363 en avril 2016.

Les femmes sont généralement séparées des hommes. Une prison de 250 places leur est réservée à Ngozi. Elles y sont 138 en novembre 2017.

Les prisonnières peuvent être incarcérées avec leur enfant : au total, 97 nourrissons vivent en prison avec leur mère en novembre 2017. Ils étaient au nombre de 54 en avril 2016.

Des femmes commencent à être employées en tant que surveillantes mais essentiellement dans les parloirs. Les quartiers réservés aux femmes sont parfois surveillés par des hommes ce qui est source d’abus.

Femmes détenues

5,4 %

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01/11/2017
/ SOS Torture Burundi

Les mineurs représentent, au 1er novembre 2017, 1.1 % de la population carcérale, soit 117 personnes. Ils étaient 231, en décembre 2016, et 137 en avril 2016.

Les mineurs ne sont pas toujours séparés des adultes. Deux centres de rééducation des mineurs en conflit avec la loi leur sont réservés, depuis 2015, à Ruyigi et Rumonge. Ces deux établissements disposent de 72 places chacun. Ils accueillent respectivement, au 30 avril 2016, 33 et 34 mineurs.

Mineurs détenus

1 %

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01/11/2017
/ SOS Torture Burundi

Le système pénitentiaire de Burundi était ségrégué à l’époque coloniale : les personnes blanches bénéficiaient de meilleures conditions de détention que les personnes noires. Les autorités dites “coutumières”, les “indigènes” dits “évolués” et les métis étaient eux aussi plus favorisés.

Le pays connaît une guerre civile entre 1993 et 2005. Ce conflit, à forte composante ethno-politique, entraîne d’autres formes de ségrégation en prison : les Hutu, plus nombreux parmi les détenus, étaient plus défavorisés que les Tutsis, considérés alors comme l’élite du pays et souvent placés dans de meilleurs quartiers pénitentiaires.

Les politiques d’ethnicisation de la population burundaise sont ensuite moins marquées, ce qui permet une socialisation entre ethnies au sein de la prison. Des formes de ségrégations refont surface avec la crise politique entamée en avril 2015. Elles concernent cette fois-ci plutôt les Tutsi, ou bien plus généralement, des opposants au régime.

Certains prisonniers politiques ou d’opinion bénéficient d’une notoriété publique, notamment ceux issus de familles favorisées ou soutenus par des couvertures médiatiques ou diplomatiques. Les prisonniers de droit commun sont, au contraire, écartés de la société et rejetés.

Pierre Claver Mbonimpa est un ancien prisonnier de droit commun (1994-1996) devenu président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH). Il est lauréat de plusieurs prix qui récompensent son engagement en faveur des droits humains. Il est accusé d’atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, suite à une interview où il dénonce des entraînements paramilitaires de jeunes Burundais au Congo voisin (RDC). Il est emprisonné entre le 15 mai et le 14 septembre 2014. Il est libéré pour raisons médicales après une intense campagne médiatique, nationale et internationale en sa faveur. Il est grièvement blessé par balles, l’année suivante, dans un attentat ciblé et exfiltré vers la Belgique pour s’y faire soigner.

Le journaliste et directeur de la chaîne Radio publique africaine (RPA), Bob Rugurika, est incarcéré entre janvier et février 2015. La RPA était à l’époque l’un des organes de presse les plus importants du pays. M. Rugurika est connu pour avoir révélé plusieurs dossiers dans lesquels le régime Nkurunziza était pointé. Il est accusé de l’assassinat de trois sœurs italiennes et arrêté le 20 janvier. Une forte mobilisation, nationale et internationale, est organisée en faveur de sa libération. Il est libéré le 19 février 2015.

La grande majorité des personnes souffrant des troubles psychiques ne bénéficient pas d’une prise en charge adaptée.