Vue d'ensemble

Taux d'incarcération (pour 100 000 habitants)

236

i
2017
/ Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC)

Nombre de personnes incarcérées

118 925

i
2017
/ Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC)

Taux d'occupation

152 %

i
2017
/ Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC)

Un organe de contrôle s’est prononcé sur la surpopulation carcérale

oui

La Cour constitutionnelle juge, en 2013, dans la décision T-388, le système pénitentiaire comme inconstitutionnel. Ce jugement est réitéré deux années plus tard, dans la décision T-762. Elle mentionne que “l’augmentation de la surpopulation est provoquée par une politique criminelle réactionnaire, populiste, peu réfléchie, instable et incohérente1.


  1. Commission de suivi de la décision T-388 de 2013, “Deuxième rapport”, janvier 2017, p. 2 (en espagnol). 

  • La Cour constitutionnelle ordonne, entre 2011 et 2014, au gouvernement d’empêcher l’admission de nouveaux prisonniers dans 40 établissements pénitentiaires du pays. C’est le cas de la prison de Valledupar (ordonnance T-282 de 2014), la Modelo de Bogota, Vistahermosa à Cali, Bellavista à Medellin ou encore la Modelo de Bucaramanga.

Des recherches indiquent que le taux élevé d’incarcération est le fruit de politiques “musclées”. De nouvelles infractions sont créées et la durée de peines existantes est prolongée, notamment à travers la loi 1121 de 2006 et la loi 1453 de 2011. Le placement excessif en détention provisoire et l’inefficacité de la justice contribuent également à la détérioration du système pénitentiaire.

Ministère(s) en charge de l'administration pénitentiaire

ministère de la Justice et du Droit

Budget de l'administration pénitentiaire

660 000 000

i
2015

en dollars —
Les trois quarts de ce budget correspondent aux dépenses administratives, un quart sert à la maintenance des infrastructures.

L’administration délègue à des prestataires privés tout ou partie de la gestion des établissements

oui

Le gouvernement décide de faire appel à des entreprises privées (partenariats public-privé, PPP) pour construire 19 000 places supplémentaires sur quatre ans.

Il existe 136 établissements de réclusion d’ordre national (ERON). Ces établissements sont divisés en trois catégories en fonction de leur date de construction :

  • La première génération regroupe 121 ERON construits entre 1611 et le début des années 90. La capacité de ces établissements, en janvier 2017, est de 40 098 places. L’occupation réelle y est de 73 639 prisonniers.
  • La deuxième génération est constituée de cinq ERON construits entre les années 90 et les années 2000. Ces établissements disposent d’une capacité d’accueil de 9788 places. Ils accueillent, en janvier 2017, 10 261 prisonniers. Ces établissements se trouvent notamment à Valledupar, Acacias, Popayán, Combita, Girón et La Dorada.
  • La troisième génération compte dix ERON ouverts en 2010 et 2011. Ces établissements accueillent, en janvier 2017, 35 025 personnes détenues pour une capacité de 28 532 places.

Nombre d'établissements

136

i
2017
/ ICPR

Capacité d'accueil des établissements

78 418

i
2017

Évolution de la capacité d'accueil des établissements

augmentation

La plus grande prison est le centre pénitentiaire Jamundi, situé à 24 km de Cali. Cet établissement de troisième génération dispose d’une capacité d’accueil de 4200 places. Il est divisé en quartiers de basse, moyenne et haute sécurité. Les prévenus et les condamnés y sont séparés.

Les établissements pénitentiaires sont desservis par les transports en commun

la plupart des établissements

Le Bureau fédéral des prisons des États-Unis signe, en 2000, un accord avec les autorités colombiennes dans le cadre du Plan Colombie. Cet accord soutient la création de la “nouvelle culture carcérale”. Son objectif est de construire des prisons de deuxième génération. Ces nouvelles prisons s’inspirent des principes architecturaux des quartiers de haute sécurité du centre pénitentiaire Coleman, en Floride. L’introduction de nouvelles pratiques ainsi que la formation du personnel pénitentiaires sont assurées par des experts américains. Cette collaboration internationale est la plus importante menée à ce jour par le Bureau fédéral des prisons des États-Unis.

Julie de Dardel, géographe, liste les principales caractéristiques du modèle pénitentiaire transmis par les États-Unis à la Colombie :

  • l’organisation par quartiers autonomes ;
  • le matériau et l’environnement visuel en monochrome gris – en contraste avec les établissements de basse et moyenne sécurité en briques et dont les murs sont colorés ;
  • l’aménagement de l’unité d’hébergement et des cellules individuelles ;
  • les dispositifs technologiques de sécurité ;
  • la création d’un quartier spécial d’isolement ;
  • le concept de “méga complexe pénitentiaire”1.

La prison de Valledupar est le seul établissement de deuxième génération à avoir conservé la structure des établissements de première génération. Il contient des quartiers de vie répartis le long d’un couloir de sécurité. Chaque quartier est autonome, comme dans le modèle américain. Les quartiers possèdent chacun leur réfectoire et leur parloir.

Les autorités colombiennes autorisent la construction de dix mégas complexes pénitentiaires de troisième génération. Ces complexes peuvent accueillir jusqu’à 5 000 prisonniers. Ces projets, lancés en 2004 et 2005, aboutissent entre 2010 et 2011. Leur coût final dépasse le budget initial de 60 millions de dollars.

Les établissements de troisième génération peuvent accueillir des hommes et des femmes. Ils possèdent des quartiers de différents niveaux de sécurité, y compris d’isolement. Les méga-complexes pénitentiaires se situent dans des zones rurales et isolées, contrairement aux établissements de première génération. Julie de Dardel indique que “le transfert dans une prison de la ‘nouvelle culture carcérale’ est une menace permanente et efficace pour que les détenus se tiennent tranquilles, notamment pour les empêcher de s’organiser afin de revendiquer leurs droits.2. Les transferts permettent de répartir la population carcérale en fonction des places disponibles dans les différents établissements.

Les infrastructures des prisons de deuxième et troisième génération sont en mauvais état. De nombreux dispositifs de sécurité électroniques ne fonctionnent plus. Le Contrôleur général affirme que 88% de l’infrastructure pénitentiaire “est obsolète”. Le gouvernement alloue des fonds à la construction de nouvelles prisons mais pas à l’amélioration des conditions d’emprisonnement.


  1. Julie de Dardel, Exporter la prison américaine. Le système carcéral colombien à l’ère du tournant punitif, 2016, p. 121 

  2. Ibid., p. 182 

Les personnels pénitentiaires colombiens sont formés par des experts américains, dans le cadre de la mise en place de la “nouvelle culture carcérale“ (voir la rubrique “Parc immobilier”). Ils apprennent alors :

  • l’“extraction des cellules“ (transferts à l’extérieur de la prison)
  • l’utilisation de la force (avec des armes non létales : aérosols capsiques et taser) et de groupes d’intervention anti-émeute.

Les Forces de protection et de surveillance nationale sont un service civil de l’État. Leur organisation hiérarchique répond néanmoins au modèle militaire.

Les principaux grades sont les suivants :

  • Officiers de sûreté, logistique ou de traitement pénitentiaire
  • Sous-officiers
  • Dragoneantes1
  • Élèves en service militaire

Le brigadier général Jorge Luis Ramírez Aragón en est, depuis novembre 2014, le directeur. C’est un fonctionnaire de la police nationale formé aux États-Unis.

Julie de Dardel, géographe, affirme que “l’introduction du modèle carcéral américain a indiscutablement renforcé la militarisation du système carcéral colombien.2 qui était déjà imprégné d’une profonde tradition militaire. Les hauts fonctionnaires de l’INPEC (niveau fédéral ou directeurs d’établissements) sont des membres de haut rang militaire ou de la police nationale.

Un fonctionnaire de l’INPEC explique à de Dardel que ”la force publique […], ils connaissent bien le travail par protocoles. Donc quand vous parlez à un militaire d’un protocole qui exige telle ou telle chose, le type comprend immédiatement de quoi on parle, il dit : ‘Quel protocole ? Montrez‐moi les instructions’ et il exécute tout de suite. Avec un non militaire, un juriste, vous lui parlez de protocole, et il commence à pinailler sur les aspects de conformité avec la loi. L’attitude des ‘civils’ est trop laxiste.3

Les fonctionnaires de l’INPEC portent des tenues de camouflage militaire. Ce changement est à l’origine une proposition du Bureau fédéral des prisons américain.


  1. soldat ayant une fonction de gardien 

  2. Julie de Dardel, Exporter la prison américaine. Le système carcéral colombien à l’ère du tournant punitif, 2016, p. 131. 

  3. Ibid., p. 132.