Le 1er janvier 2022, les prisons françaises comptent 69 448 personnes détenues pour 60 749 places. Les maisons d’arrêts, où sont incarcérées la plupart des personnes détenues, sont occupées à plus de 134 %. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte le ministre de la Justice sur “l’épuisement physique et moral” de la population détenue. En cause : le maintien des parloirs, depuis un an, avec dispositif de séparation ; l’absence d’activités socio-culturelles ; un accès moindre ou inexistant au sport ; la fermeture des bibliothèques. La CGLPL estime que les efforts déployés pour diminuer le nombre de personnes détenues, au début de la crise sanitaire en 2020, sont “désormais inscrits au chapitre des lointains souvenirs”. Elle pointe l’augmentation significative de la population carcérale (+ 7 000 prisonniers en un an).
En février, le Conseil d’État note que les réparations et mesures visant à améliorer le quotidien des personnes incarcérées à la prison de Nouméa ne sont pas effectuées. Elles avaient été ordonnées deux ans auparavant. Les mineurs détenus disposent de points d’eau défectueux, les produits anti-moustiques et moustiquaires n’ont pas été distribués, les fenêtres n’ont pas été remplacées.
En mars, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) publie un avis sur l’effectivité des droits fondamentaux en détention. L’institution pointe la répétition des alertes sur la situation des prisons françaises et formule 20 recommandations. Elle écrit : “l’inertie à résoudre ces manquements questionne la volonté politique des pouvoirs publics français”.
En juin, la section française de l’Observatoire international des prisons et Amnesty International abondent dans le même sens. Les deux organisations montrent que, deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, “la France ne s’est toujours pas mise en conformité avec les exigences de la Cour”.
Du 30 mai au 10 juin, la CGLPL et ses équipes visitent la prison de Bordeaux-Gradignan. Celle-ci, occupée à 199 %, accueille pour moitié des personnes détenues en attente de jugement. Certains quartiers enregistrent un taux d’occupation de 235 %. Un incendie de cellule se déclare au cours de la visite. Un homme meurt. Cette visite fait l’objet, en juillet, de recommandations en urgence. Accès insuffisant aux soins, unique promenade quotidienne, absence d’activités, insalubrité, présence de nuisibles, sécurité non assurée : les dysfonctionnements rapportés sont nombreux. La Contrôleure estime que “l’hébergement d’êtres humains devrait y être proscrit”.
En juillet et en août, le pays connaît des pics caniculaires importants. La situation en prison est étouffante. Les douches sont limitées à trois par semaine. L’administration pénitentiaire met en oeuvre le plan canicule. Celui-ci prévoit des actions de sensibilisation pour adopter les bons gestes, la possibilité d’acquérir un ventilateur, de cantiner des bobs et des shorts, un accès accru aux douches. Cette politique se heurte à la surpopulation carcérale. À la prison de Nanterre, quatre personnes vivent dans 15 m2.
En septembre, plus de 600 personnes qui interviennent ou travaillent en prison, issues des milieux judiciaire, associatif et politique, adressent une lettre ouverte à la Première ministre. Elles demandent la mise en place d’un accès à Internet en prison. Elles rappellent que les autorités administratives indépendantes et institutions y sont favorables.
En octobre, six surveillants sont suspendus de leurs fonctions. Ils avaient été condamnés à de la prison avec sursis et à une interdiction d’exercer, en 2014, pour avoir frappé des personnes détenues à la prison de Moulins-Yzeure (Allier). Leur condamnation est alourdie en deuxième instance. La Cour de cassation rejette définitivement leur pourvoi, en 2022. Les surveillants sont restés en poste durant les six ans de la procédure, avec le soutien de leurs organisations syndicales. À la fin de ce même mois, l’Assemblée nationale adopte un amendement qui repousse, pour cinq années, la possibilité de déroger à l’encellulement individuel. La loi de 1875 qui le prévoit n’a jamais été appliquée et ne le sera pas avant au moins 2027.
Le 1er décembre, les prisons comptent 72 836 détenus. Ce nombre n’a jamais été aussi élevé. Le Parlement adopte le budget de l’administration pénitentiaire dont une large proportion est consacrée à la construction de places de prison. Plus de 680 millions d’euros y sont dédiés. Ces fonds s’ajoutent à la dette immobilière estimée à cinq milliards d’euros. La France a construit, au cours des 30 dernières années, 36 000 places de prison. Jusqu’à présent, l’extension du parc pénitentiaire n’est pas parvenue à résorber la surpopulation carcérale.