Contributeur(s)Observatoire vénézuélien des prisons | Prison Insider

L’intégrité physique

Le Venezuela est le premier État au monde à avoir aboli la peine de mort, en 1863.

L’État lance l’Opération de libération du peuple (OLP), en juillet 2015. Il s’agit d’une opération de sécurité nationale exécutée par des forces militaires et civiles. Le Gouvernement affirme que son objectif est de mettre hors d’état de nuire des groupes armés en lien avec des groupes paramilitaires colombiens et de combattre les gangs criminels.

Selon le Ministère public, 245 personnes décèdent, en 2015, dans le cadre de la mise en œuvre de l’OLP. Human Rights Watch (HRW) et l’ONG Provea dénoncent un recours excessif à la force dans une grande majorité des cas. 125 décès sont considérés comme des exécutions extrajudiciaires.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) considère, dans un rapport publié en 2011, que les prisons vénézuéliennes sont les plus violentes du continent. Au total, 6 581 détenus ont été assassinés entre 1999 et le premier semestre de l’année 2015, par des surveillants ou d’autres détenus.

Une diminution progressive du nombre de morts violentes en prison est observée depuis 2012 : 591 détenus assassinés cette année-là, contre 506 en 2013 et 309 en 2014. L’Observatoire vénézuélien des prisons (OVP) enregistre 109 morts violentes au cours du premier semestre 2015.

Dans son rapport annuel de 2013, l’ONG Provea signale que 12.7 % des décès constatés cette année là sont marqués par des niveaux de violence élevés, “en utilisant simultanément différents modes opératoires comme les tirs d’armes à feu, les coups de couteau, le démembrement ou l’étouffement. Des cas de circulation sur Internet (réseaux sociaux) de photos des personnes décédées ont été rapportés. On relève des cas où les blessures des détenus témoignent des tortures infligées par d’autres prisonniers”.

Ce rapport conclut que 45 % des décès résultent d’une bagarre entre détenus, 33 % d’un affrontement avec des surveillants, 9 % d’une bagarre entre détenus pour prendre le contrôle de l’établissement, 6.5 % d’une tentative d’évasion, 4.5 % de la violation d’une règle interne (dette, vol, assassinat d’un visiteur) et 2 % pour d’autres raisons (overdose, maladie, accident).

Quarante-huit détenus décèdent et des dizaines sont hospitalisés, le 2 décembre 2014, victimes d’empoisonnement, à la prison d’Uribana (État de Lara). Le rapport officiel mentionne que les détenus se sont introduits dans l’infirmerie et ont ingéré différents médicaments. Les familles et les organisations de défense des droits de l’homme soupçonnent le personnel d’avoir donné aux détenus de l’eau empoisonnée. Le directeur de la prison est arrêté pour son rôle présumé dans cette affaire[^affaire1].

Dix-neuf personnes trouvent la mort et onze sont blessées dans un incendie, le 31 août 2015, dans la prison de Tocuyito (Valencia). La cause exacte n’a toujours pas été déterminée. Parmi les 19 victimes, dix sont des femmes qui rendaient visite aux détenus et qui avaient passé la nuit dans la prison, bien que le règlement l’interdise.

L’OVP dénonce la présence de quatre fosses communes, en octobre 2016, à la pénitentier général du Venezuela (PGV). On y enterrait les détenus assassinés pour n’avoir pas payé la “causa”, une “taxe” hebdomadaire que doivent payer les détenus au chef de la prison. Le prix est établi à environ quatre euros, sur un salaire minimum d’environ 20 euros. Les détenus ont déclaré : “Ils creusent le sol, jettent les corps, répandent de la chaux et referment avec du ciment”[^ciment2].

L’OVP présente au Comité contre la torture (CAT) des Nations unies, en 2009, le cas de Francisco Guerrero Larez, détenu disparu à la PGV. Le Comité condamne l’État vénézuélien, en 2015, pour sa responsabilité dans cette disparition[^disparition3].

La dernière fosse est creusée suite à l’explosion d’une grenade qui tue onze personnes, le 14 septembre 2016, au cours de la célébration de l’anniversaire du chef de la prison. Craignant une action de la part du gouvernement, les pranes (mot familièrement utilisé pour désigner les chefs de la prison), décident d’acheter de la chaux et d’enterrer les cadavres[^cadavres4] [^enterrer5]. On estime qu’entre septembre et octobre 2016, au cours des épisodes violents survenus à la PGV, 39 personnes sont décédées des suites de violences ou de maladies (cf.Mouvements collectifs”).

Le manque de médicaments et de nourriture, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des prisons, provoque, en 2016, une augmentation considérable du nombre de morts pour cause de maladie et de malnutrition. L’accès aux informations est restreint. Il est difficile d’estimer avec exactitude le nombre de décès causés par ces manquements au cours de l’année 2016. Au moins neuf personnes meurent de la tuberculose à la PGV avant octobre 2016 [^octobre6].

Au moins deux personnes meurent de malnutrition, en 2016, au poste de police de Polichacao.

Les détenus du quartier général de la police de Táchira prennent, le 8 septembre 2016, possession de l’enceinte et séquestrent deux fonctionnaires de police et neuf visiteuses. Quelques semaines plus tard, avant que les autorités aient réussi à reprendre le contrôle de la situation, Juan Carlos Herrera décède, démembré par ses codétenus. Son père déclare à la presse “L’information dont nous disposons —fournie par l’une des personnes présentes— est que mon fils, [ainsi qu’un autre détenu, ndlr] s’est fait coincer par 40 personnes. Il a été poignardé, suspendu pour qu’il se vide de son sang et donné à manger aux détenus. […] Ceux qui ne voulaient pas le faire étaient frappés, avaient les doigts coupés, les jambes cassées, les poumons perforés et on les frappait à la tête avec un marteau. Ce que ces personnes ont vécu là-bas a été atroce et désastreux”. L’auteur des faits est Dorancel Vargas Gómez “El Comegente” (“le Mangeur d’homme”), un schizophrène paranoïaque condamné en 1999 pour cannibalisme et déclaré irresponsable.
Six fonctionnaires de police de l’État de Táchira sont arrêtés et convoqués par le Ministère public le 11 octobre[^irresponsable7].

[^affaire1]: “Aftermath in Uribana: Few answers, no closure” dans Caracas Chronicles, 11/12/2014 [en anglais] [^ciment2]: “Denuncian 4 fosas comunes en cárcel de los llanos venezolanos” dans El Estímulo, 19/10/2016 [en espagnol] [^disparition3]: Comité contre la torture des Nations Unies, CAT/C/54/D/456/2011 [^cadavres4]: “El Estímulo”, op. cit. [^enterrer5]: “Funcionarios del Cicpc hallan restos humanos dentro de la PGV” dans Caraota Digital, 14/11/2016 [en espagnol] [^octobre6]: “9no MUERTO DE TBC EN LA PGV” dans Caraota Digital, 12/10/2016 [vidéo] [^irresponsable7]: “Venezuela : Actes de cannibalisme dans une prison” dans LCI, 18/10/2016

Nombre de décès

109

i
31/05/2015
/ Observatoire vénézuélien des prisons

Les actes de torture et les mauvais traitements, fréquents à l’intérieur des prisons, sont rarement dénoncés. Dans les prisons sous contrôle de gangs armés, la plupart des auteurs de ces actes sont les détenus eux-mêmes. L’absence d’autorité institutionnelle, la présence d’armes à feu et de stupéfiants engendrent des règlements de compte et des bagarres entre les différents groupes. On dénombre 6 417 détenus blessés entre 1999 et le premier semestre 2015. Un pic est enregistré entre 2011 et 2012, avec 2 589 personnes blessées.

Le gouvernement décide de créer le Ministère pour les affaires pénitentiaires (MPPAP), dans le but de reprendre le contrôle des centres pénitentiaires du pays suite à la mutinerie d’El Rodeo II, en juin 2011, qui dure 20 jours et se solde par 25 morts. Le nom du ministère a depuis été changé et se nomme désormais Ministère du service pénitentiaire (MPPSP).

Le pran du PGV, Franklin Masacre, est connu pour être un chef sanguinaire1. Au cours du second semestre 2016, plusieurs détenus dénoncent des cas d’amputations de membres pour ceux qui ne se sont pas acquittés de la “causa” hebdomadaire ou ont enfreint une règle interne2. Des fosses communes sont découvertes, contenant les restes de dizaines de détenus assassinés sous ses ordres3.

Dans les établissements pénitentiaires où le MPPSP applique le “Nouveau régime pénitentiaire”, les proches des détenus dénoncent continuellement les mauvais traitements et actes de torture qui y sont commis. Les surveillants infligent des châtiments corporels et des sanctions comme l’isolement prolongé, aux détenus qui ne respectent pas les règles. L’OVP dénonce l’utilisation de gaz lacrymogènes et de tirs de chevrotine sur les femmes détenues dans l’annexe de la prison d’Uribana. Certaines d’entre elles ont eu la tête rasée pendant leur période d’isolement.

Déclarations des instances internationales

Huit centres pénitentiaires font actuellement l’objet de mesures conservatoires4 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) : l’Internado Judicial de Monagas “La Pica” ; le Centro Penitenciario Región Capital Yare I et Yare II ; l’Internado Judicial Capital El Rodeo I et El Rodeo II ; le Centro Penitenciario de la Región Centro Occidental “Prison d’Uribana” ; le Centro Penitenciario de Aragua “Prison de Tocorón” ; l’Internado Judicial de Ciudad Bolívar “Vista Hermosa”, et le Centro Penitenciario de la Región Andina (CEPRA).

Le travail du Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, présenté en mars 2015 devant le Conseil des droits de l’homme, affirme que le gouvernement vénézuélien n’enquête pas sur les plaintes et ne sanctionne pas de manière appropriée les auteurs d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants. Seuls douze fonctionnaires sont sanctionnés5, selon des rapports parallèles envoyés par des ONG vénézuéliennes au Comité contre la torture (CAT), sur les 5 000 plaintes déposées ces dix dernières années.

Le CAT demande, au cours de l’examen périodique universel de 2014, à enquêter sur les 185 plaintes pour torture et traitements cruels infligés, cette année là, dans le contexte de manifestations de protestation sociale. Les victimes se sont plaintes d’avoir été brûlées, électrocutées et menacées de mort par les représentants des forces de l’ordre pour obtenir des aveux.


  1. De una banda en Catia La Mar a pran de la PGV, así nació “Franklin Masacre” dans El Pitazo, 22/10/2016 [en espagnol] 

  2. Denuncias sobre mutilaciones en la PGV” dans Efecto Cocuyo, 05/10/2016 [en espagnol] 

  3. Quand les détenus font la loi au Venezuela” dans La Vie, 30/09/2015 

  4. Règlement de la CIDH, art. 25 : “[…] dans des situations jugées préoccupantes et urgentes, la Commission pourra, de sa propre initiative ou à la demande de tiers, “demander à un État d’adopter des mesures conservatoires […] elles seront liées à des situations jugées préoccupantes et urgentes présentant un risque de dommages irréparables pour les personnes ou faisant l’objet d’une demande ou affaire en cours auprès des organes du Système interaméricain”. 

  5. Venezuela violó derecho internacional al no prevenir tortura“ dans La Verdad, 11/03/2015 [en espagnol] 

Le Ministère des relations intérieures, de la justice et de la paix (MRIJP), dénombre 8 000 personnes détenues arbitrairement, entre le 13 juin et le 13 octobre 2015, dans le cadre de l’Opération de libération du peuple. Ces personnes sont restées détenues entre 10 heures et 45 jours.

3 570 détentions arbitraires sont recensées, en 2014, dont 400 concernent des mineurs. La plupart ont lieu dans le cadre des manifestations organisées de février à mai 2014 contre l’insécurité, l’inflation, le manque de nourriture et de médicaments.

Selon l’ONG Provea, 134 333 détentions arbitraires ont été enregistrées entre 2010 et 2011, principalement dans le cadre du Dispositif bicentenaire de sécurité.