Venezuela
Capitale — Caracas
Population du pays
i31/05/2015Taux d'incarcération (pour 100 000 habi…
Nature du régime
Indice de développement humain
i2016/ PNUDMinistère(s) en charge de l'administrat…
Nombre de personnes incarcérées
i2015/ Observatoire vénézuélien des prisons / ICPRTaux d'occupation
i2015/ Observatoire vénézuélien des prisons / ICPRNombre d'établissements
i2015Un MNP est créé
Femmes incarcérées
i2015/ Observatoire vénézuélien des prisons / ICPRMineurs incarcérés
iDéfenseur du peuple (Ombudsman) / ICPRPourcentage de personnes en détention p…
i2015/ Observatoire vénézuélien des prisons / ICPRLa peine de mort est abolie
Ouidepuis 1863
Le quotidien
La nourriture
L’accès à la nourriture, déjà limité à l’extérieur, l’est d’avantage à l’intérieur des prisons. Dans certains établissements, les détenus ont un seul repas quotidien. L’Obsevatoire vénézuélien des prisons (OVP) enregistre régulièrement des plaintes provenant de proches qui affirment que les détenus ont pour repas des aliments périmés.
Selon l’organisation, 60% des détenus du pays ne reçoivent aucune nourriture et dépendent de celle apportée par leurs proches à l’occasion des visites. La situation est la même dans la quasi-totalité des postes de police1.
A la prison pour femmes (INOF), la ration quotidienne se compose d’un morceau de pain ou d’une portion de riz blanc. Il est interdit de faire entrer des aliments apportés par les proches. Dans la pratique, cela est toléré, sous réserve de pouvoir corrompre un surveillant.
Le personnel pénitentiaire sanctionne sévèrement les femmes détenues qui font entrer de la nourriture clandestinement. L’OVP dénonce le cas d une femme, contrainte à passer huit heures en plein soleil pour avoir mangé un paquet de biscuits qui n’était pas entré de façon régulière.
L’ONG Ventana a la Libertad publie, en août 2015, une vidéo dans laquelle des détenus du centre pénitentiaire Yare III, cuisent un chat pour se nourrir. L’organisation affirme avoir reçu des plaintes similaires provenant des internats judiciaires Rodeo I, II III, de l’INOF et des cellules de garde à vue.2.
Dans la prison de Tocorón, sous contrôle du pran “El niño guerrero”, des produits alimentaires et d’hygiène, rares à l’extérieur, sont vendus à l’intérieur du bâtiment. Le gang armé qui gère la prison est en contact avec des pirates de la route qui sévissent dans la région. Les revendeurs doivent s’acquitter d’une taxe auprès du pran 3.
“Crónicas del hambre – Pan y agua es el menú que más se repite en calabozos policiales” dans Runrun.es, 08/11/2016 [en espagnol] ↩
Denuncian que presos comen gatos por falta de alimentos en cárceles venezolanas“ dans El Nacional, 31/08/2015 [en espagnol] ↩
No tengo que madrugar en un mercado porque en Tocorón hay de todo“ dans El Nacional, 15/08/2016 [en espagnol] ↩
L'hygiène
De graves problèmes sanitaires sont constatés, dans les prisons comme dans les postes de police. L’accès à l’eau, potable ou non, est limité.
Dans un nombre important d’établissements pénitentiaires, les détenus ont accès à l’eau potable uniquement par leurs proches. Ils doivent stocker des réserves d’urgence dans des seaux.
L’OVP signale le cas du centre pénitentiaire Región Centro Oriental (El Dorado), où l’eau potable provient de tuyaux raccordés à la rivière Cuyuní, polluée par l’extraction minière réalisée dans les environs.
L’OVP constate, lors de visites effectuées dans plusieurs établissements pénitentiaires du Venezuela, des canalisations détériorées, des réseaux d’eaux usées bouchés qui traversent tout un établissement, la présence de rats, de très grosses mouches et l’absence de ramassage des déchets.
A l’INOF, aucun lieu dédié n’est prévu pour entreposer les ordures ménagères. Les autorités utilisent un terrain de basket comme dépôt. Les ordures recouvrent toute la surface du terrain. Leur accumulation progressive, conduit à la présence importante de déchets sanitaires, de nourriture en décomposition et de parasites. Le camion-poubelle passe une fois par semaine. En raison de la grande quantité de déchets accumulés, il ne récupère pas l’intégralité des ordures.
Les locaux de détention de la police ne sont pas équipés de sanitaires (douche et toilettes). Dans certains établissements pénitentiaires, les détenus sont contraints de satisfaire à leurs besoins naturels dans des sacs ou des récipients en plastique.
Les taux d’occupation élevés favorisent la propagation d’infections cutanées comme la dermatite, la gale ou les poux. Les cellules sont dépourvues de systèmes de ventilation suffisant, au vu des fortes chaleurs enregistrées tout au long de l’année. Une odeur nauséabonde règne dans toutes les prisons et les postes de police du pays.
La santé
La grande majorité des établissements pénitentiaires manque de personnel spécialisé (infirmières et médecins). Les équipements adéquates, fournitures et médicaments, sont insuffisants pour faire face aux besoins quotidiens en matière de santé ainsi qu’aux situations d’urgence. Les médicaments sont à la charge des proches.
L’OVP reçoit des plaintes de proches affirmant que ce sont eux, ou les codétenus, qui sont chargés de nettoyer et panser les blessures d’un prisonnier quand ce dernier a été blessé par balle. Les maladies les plus fréquentes sont les affections dermatologiques et les troubles gastro-intestinaux, associés à une mauvaise alimentation et au manque d’eau potable.
Les personnes atteintes de la tuberculose ou du VIH/Sida ne reçoivent pas de traitement approprié. Plusieurs vidéos provenant du pénitentier général du Venezuela (PGV) montrent des détenus en état d’inanition, priant la ministre du Ministère du service pénitentiaire (MPPSP), Iris Valera, de leur envoyer des médicaments et de la nourriture. Les détenus affirment, dans l’une des vidéos, que huit camarades de cellule sont décédés récemment par manque de traitement1 2.
Humberto Prado écrit, en octobre 2016 : “Depuis le début du mois d’octobre, les proches de détenus de la Penitenciaria General de Venezuela ont dénoncé le cas de 27 prisonniers qui souffrent de cette maladie. Deux sont dans un état critique et ne peuvent plus marcher. Ils ont été abandonnés à leur sort dans le coin le plus isolé de cet établissement pénitentiaire qui accueille 11 700 détenus”3.
L’INOF ne possède pas d’ambulance ou de véhicule de transport pour les transferts immédiats en cas d’urgence. Les détenues et leurs proches ont dénoncé à plusieurs reprises auprès de l’OVP la précarité de la prise en charge des urgences médicales qui conduit à mettre en danger la vie des malades. Plusieurs femmes décédent en accouchant faute d’avoir pu être transférées à temps dans des centres hospitaliers permettant une prise en charge adaptée.
Dans les postes de police, des maladies infectieuses comme la gale, les infections cutanées, la conjonctivite ou la grippe se propagent rapidement. La surpopulation et le manque d’hygiène y contribuent. Les détenus souffrent également de maladies respiratoires chroniques qui nécessitent un traitement médical constant, comme l’asthme, la bronchite, voire la pneumonie. Selon Humberto Prado, “en 2015, une épidémie de tuberculose a tué, en seulement quatre mois, onze prisonniers, pendant que les 1 700 autres couraient le risque d être contaminés, dans le Centro de Arrestos y Detenciones Preventivas El Marite, dans l’état de Zulia”4.
Les commissariats n’ont pas de budget pour assurer une assistance médicale permanente in situ. Les détenus malades doivent attendre un transfert vers un hôpital. Dans les cas les moins graves, les détenus doivent demander une autorisation au tribunal pour être transféré vers un centre médical. Cette procédure est lente. Lorsque le détenu parvient à la consultation, son état s’est aggravé… où il est guéri.
“Presos de la PGV piden auxilio a la ministra Iris Varela” dans Caraota Digital, 11/10/2016 [en espagnol] ↩
“Franklin Masacre y presos de PGV piden medicinas a Iris Varela” dans Caraota Digital, 05/10/2016 [en espagnol] ↩
Humberto Prado, “Cárceles a merced de infecciones”,Tal Cual, 25/10/2016 [en espagnol] ↩
Humberto Prado, op. cit. ↩
Le travail
Certains centres de détention qui appliquent le Nouveau régime pénitentiaire proposent des ateliers, le plus souvent de menuiserie et de ferronnerie. Selon les informations relayées par les détenus et leurs proches, le travail dans les prisons vénézuéliennes n’est pas rémunéré. La Loi du régime pénitentiaire établit que le travail en prison est régi par la Loi organique du travail.
Le Code pénitentiaire, approuvé le 15 août 2013, considère le travail en prison comme une obligation et non pas comme un droit. Ce code n’est, à ce jour, pas entré en vigueur.
Selon les témoignages reçus par l’OVP, les détenus qui refusent de travailler sont victimes de mauvais traitements de la part des surveillants.
Les intervenants extérieurs
Le gouvernement vénézuélien interdit aux organisations nationales ou internationales de défense des droits de l’homme de réaliser des activités de contrôle à l’intérieur des prisons. Seules certaines congrégations religieuses, catholiques ou évangélistes, sont autorisées à y pénétrer, afin d’apporter un soutien spirituel aux détenus.
Les défenseurs des droits de l’homme sont victimes de harcèlement de la part du gouvernement vénézuélien. Humberto Prado, directeur de l’OVP, fait l’objet de campagnes de diffamation, depuis 2010, de la part de membres de l’exécutif. Lors de sa dernière agression, en avril 2016, son compte Facebook est piraté, l’adresse de son domicile est publiée et des menaces sont proférées à son encontre. L’Organisation mondiale contre la torture, Front Line Defenders, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Amnesty International et l’ONU expriment leur préoccupation concernant ces faits1.
L’OVP, créé en 2002, publie chaque année des rapports dans lesquels sont recensés le nombre des morts, des blessés, des évasions et des mutineries. Pour élaborer ces rapports, l’organisation s’appuie sur les témoignages des détenus.
Le projet “Censos Jurídicos”, repose sur des enquêtes menées auprès de personnes détenues, en 2015, dans les postes de police de la région métropolitaine de Caracas. Elles permettent de déterminer les conditions de détention de chaque poste de police et les raisons pour lesquelles certaines personnes ne sont pas transférées vers les établissements pénitentiaires dans lesquels ils doivent effectuer leur peine.
L’ONG se charge également d’alerter les autorités publiques et internationales sur la situation des prisons dans le pays.
L’ONG Una Ventana a la Libertad, créée en 1996, s’emploie à dénoncer les violations des droits de l’homme dans les prisons vénézuéliennes et fournit aux détenus et à leurs proches une aide humanitaire.
Le Foro Penal Venezolano fournit une assistance juridique aux personnes victimes de détention arbitraire pour avoir participé à des manifestations sociales. Cette association bénéficie du soutien d’environ 400 avocats pénalistes, au niveau national, et de 1 500 bénévoles qui prêtent assistance aux proches des victimes.
Front Line Defenders, “Historia del caso: Humberto Prado Sifontes” ↩
Les ressources financières et l'indigence
Dans les prisons contrôlées par un gang, les détenus doivent payer au pran (mot familièrement utilisé pour désigner le chef d’une prison), la “causa”. Il s’agit d’un impôt régulier, pour le fait de vivre à l’intérieur de la prison.
Dans l’établissement pénitentiaire de Tocorón (Etat d’Aragua) a été créée une “banque” (structure improvisée avec des tables en bois) qui octroie des prêts aux détenus, avec des intérêts hebdomadaires allant de 10 à 20 %. Les proches des détenus qui habitent loin de la prison de Tocorón déposent la “causa” sur un compte en banque appartenant à la famille du pran1. Ce système existe dans d’autres prisons du pays.
Le “carro” (gang dirigeant) fait payer une somme élevée aux visiteurs qui souhaitent passer la nuit dans la prison. Ils tirent des bénéfices financiers de la vente de fournitures de base, l’accès à une zone offrant de meilleures conditions de vie, la protection de certains détenus ou la vente de drogues. Les jíbaros (dealers) qui opèrent dans la prison doivent payer une taxe au pran. Les opérations délictueuses réalisées à l’extérieur de la prison (extorsions, enlèvements et vols) sont source de revenus pour le “carro”.
L’argent récolté est utilisé pour acheter des armes auprès du personnel pénitentiaire et de la garde nationale. Il sert également à l’achat de denrées alimentaires, de produits d’hygiène et l’organisation d’événements illicites (fêtes, concerts, etc.)
“En Tocorón, el riesgo es que te quieras quedar”, Runrun.es, 07/08/2015 [en espagnol] ↩
Les mouvements collectifs
Contestations, mutineries et évasions sont des événements fréquents dans les prisons vénézuéliennes. L’OVP signale les principaux motifs de protestation :
- les mauvaises conditions de vie dans les établissements pénitentiaires (insalubrité, faim, maladies);
- le défaut de présentation devant les tribunaux;
- les mauvais traitements infligés par la Garde nationale bolivarienne, le personnel pénitentiaire et le Groupe d’inspection immédiate carcérale (GRIC).
Les moyens de protestation les plus répandus sont les grèves de la faim, les grèves du sang (automutilations) et les “bouches cousues”.
Au cours du premier trimestre 2015, l’OVP enregistre 1 200 cas de bouches cousues, 14 évasions totalisant 79 détenus, 6 mutineries et 6 séquestrations de fonctionnaires dans 20 postes de police. Ces événements ont fait 49 blessés et 9 morts.
Quarante détenus du quartier général de la Police nationale bolivarienne (PNB) de Catia (Caracas), prennent en otage, le 27 avril 2015, deux officiers afin d’obtenir leur transfert dans un établissement pénitentiaire, après huit mois de détention dans le commissariat. La prise d’otage prend fin avec la mort d’un détenu et le transfert de 25 autres. Les installations de la PNB de Catia ont une capacité d’accueil de 50 places. Ils en accueillent 1861.
Le nombre de séquestrations de personnels pénitentiaires par des détenus a considérablement augmenté ces dernières années. Toutes ont pour objectif d’exiger du MPPSP de meilleures conditions de détention et de traitements.
L’ONG “Una Ventana a la Libertad” fait état d’une mutinerie, le 22 octobre 2015, à la prison d’El Rodeo II (Caracas). Un groupe de détenus prend en otage huit personnes en signe de protestation contre le manque de nourriture et les mauvais traitements infligés par les surveillants. Deux détenus décèdent : le premier est touché par des balles venant de l’extérieur alors qu’il grimpait sur le toit pour poser une pancarte. Le second meurt asphyxié par les bombes lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre à l’intérieur de l’enceinte dans leur effort pour reprendre le contrôle de la prison.
Suite à la mort de Teófilo Rodríguez (alias “El Conejo”), en janvier 2016, pran de la prison de San Antonio (Margarita), les détenus décident de lui rendre hommage en montant sur le toit et en tirant des coups de feu en l’air. Une vidéo de l’“hommage”, diffusée sur les réseaux sociaux, démontre le manque de contrôle, de la part du personnel pénitentiaire, de certaines enceintes et la libre circulation d’armes à feu[^conejo].
Le pran de la PGV, Franklin Masacre, fait séquestrer 51 personnes, en août 2016, pour exiger du MPPSP qu’il transfère 2 000 détenus supplémentaire, lui permettant d’extorquer la “causa” à davantage de personnes. Le ministère accède à sa demande quelques jours plus tard.
Une grenade explose dans la prison, le 14 septembre de la même année, faisant 12 morts et 23 blessés. Il est mis en évidence que le vol de 84 grenades du Fort Conopoima a été orquestré par les pranes de la PGV. Face aux menaces d’intervention des forces de l’ordre2, plus de 300 proches s’introduisent à l’intérieur de l’enceinte. Pendant plusieurs semaines, les réseaux sociaux sont le théâtre d’une bataille médiatique entre le MPPSP et les pranes de la PGV. D’un côté, le MPPSP rend publiques des vidéos montrant des fosses communes, des mutilations et autres crimes commis par les détenus. De l’autre côté, les pranes ont filmé des détenus souffrant de la tuberculose, des cadavres et des proches réclamant l’annulation de l’intervention.
La garde nationale bolivarienne intervient, le 22 octobre, en faisant usage d’une artillerie lourde, pour reprendre le contrôle de la situation3. L’établissement pénitentiaire est fermé sur-le-champ et les détenus transférés dans d’autres prisons du pays. Franklin Hernández (“Masacre”) et quatre autres détenus sont poursuivis pour leur responsabilité dans les événements.
“Motín en cárcel de Catia dejó un muerto y un policía secuestrado” dans El Nacional, 27/04/2015 [en espagnol] [^conejo]:“Vidéo : Au Venezuela, des détenus armés sèment la terreur depuis leur prison“ dans France 24, 27/01/2016 ↩
“Fuerte tiroteo sacudió la Penitenciaría General de Venezuela” dans El Universal, 22/10/2016 [en espagnol] ↩
La sécurité
L’Observatoire vénézuélien des prisons (OVP) dénonce les sanctions disciplinaires pratiquées dans les centres de détention qui appliquent le Nouveau régime pénitentiaire.
Une discipline quasi militaire est imposée en permanence et les sanctions les plus fréquentes sont l’isolement prolongé et la privation d’eau.
Dans le rapport 2015 publié par l’OVP, on peut lire : “Selon les proches, dans certains établissements comme la Comunidad Penitenciaria Fénix, les détenus peuvent être placés à l’isolement jusqu’à 15 jours. Ils ne reçoivent ni nourriture, ni visites. Dans le cas des annexes pour femmes, on apprend qu’elles sont enfermées dans des cellules disciplinaires où des gaz lacrymogènes leur sont administrés tandis que sont tirés des coups de chevrotine. L’administration coupe les cheveux de certaines contre leur volonté”.
L’OVP reçoit de nombreuses plaintes concernant les abus perpétrés par l’Unité de réponse immédiate (URL) du ministère des affaires pénitentiaires, une division chargée d’effectuer les fouilles des cellules de la prison pour femmes (INOF). Les détenues racontent avoir été frappées et abusées sexuellement par les membres de cette division à l’occasion des fouilles dont ils ont la charge.