Contributeur(s)Esther Pascual - ICAM | Monica Aranda - OSPDH

L’intégrité physique

La Constitution de 1978 abolit la peine de mort, sauf en temps de guerre. La loi organique de 1995 abolit la peine de mort en tous temps. Les dernières exécutions ont eu lieu en 1975, date à laquelle deux militants de “Euskadi Ta Askatasuna” (ETA) ont été fusillés.

Dans son rapport de 2014, l’administration pénitentiaire espagnole – le Secrétariat général des institutions pénitentiaires – faisait état de 128 décès (119 hommes et 9 femmes) dans des établissements pénitentiaires ou des hôpitaux de référence. 25 autres décès sont survenus dans le cadre d’une permission de sortie. L’âge moyen des personnes décédées était de 48 ans.

Les causes de décès les plus fréquentes sont les maladies cardio-vasculaires, les tumeurs, les pathologies digestives (73 personnes). Viennent ensuite les overdoses, principalement de méthadone et benzodiazépines (29 décès), puis les suicides (28 personnes). Douze patients sont morts du VIH/Sida. Quatre décès étaient liés à des accidents et deux à des agressions.

Les statistiques pénales de 2014 – portant sur 2013 – du Conseil de l’Europe (SPACE) indiquent une augmentation du taux de suicide depuis 2010. Alors que ce taux était de 4.1 % en 2010 pour l’Espagne et de 4.6 pour la Catalogne (rapport SPACE 2010), il s’élevait, en 2013, à 5 % pour l’Espagne et à 10 % pour la Catalogne, et ce malgré une diminution de 1.2 % de la population carcérale totale (Espagne et Catalogne) [^1]. Le Secrétariat général des institutions pénitentiaires (SGIP) a approuvé, en mars 2014, un programme-cadre de prévention des suicides. Il avait pour but d’identifier les situations de risque et de déterminer les modalités d’intervention. Pour le syndicat ACAIP (Regroupement des organismes de l’administration des institutions pénitentiaires), cette augmentation est due aux restrictions budgétaires qui ont réduit le nombre des agents de l’administration.

La Coordination pour la prévention et la dénonciation de la torture cite, dans son rapport de 2015, le cas de C.M.B.F. qui a été retrouvée pendue, le 16 mai 2015, dans sa cellule à la prison de Villabonas (Asturies). Cette femme avait déjà tenté de se suicider quelques semaines plus tôt, et le protocole anti-suicide lui avait été appliqué. Raquel E.F., incarcérée à la prison de Brians I (Barcelone), se suicide le 11 avril 2015. Cette personne s’était plainte à plusieurs reprises des mauvais traitements que lui faisait subir le personnel. Elle a passé les neuf derniers mois de sa vie à l’isolement.

[^1]:“¿Qué está pasando con los suicidios en las cárceles españolas?“ dans Vice, 29/10/2014

Nombre de décès

153

i
31/12/2014
/ sans compter la Catalogne - SGIP

La Coordination pour la prévention de la torture a enregistré, entre 2004 et 2014, 3 261 plaintes pour torture ou mauvais traitements concernant un total de 7 812 personnes.128 plaintes sont enregistrées en 2015, dont 36 dans des établissements pénitentiaires et 3 dans des centres pour mineurs.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, depuis 2004, l’Espagne à six reprises pour violation de l’article 3 de la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, principalement pour défaut d’enquête effective sur des allégations de torture. Les juges ne lisent souvent que le rapport du médecin légiste et statuent en fonction de ce dernier.

Dans un rapport publié en 2013, l’Institut catalan des droits de l’homme estimait que, sans qu’il s’agisse d’une pratique systématique, le système judiciaire espagnol permet la commission d’actes de torture. L’article 520 du Code de procédure pénale instaure le régime d’incommunicabilité : une personne détenue peut passer jusqu’à treize jours sans pouvoir parler avec un avocat, sans être examinée par un médecin et sans que sa famille ou son consulat ne soient informés de son lieu de détention. Le régime d’incommunicabilité doit être justifié et validé par un juge[^1].

La peine prévue pour mauvais traitements ou torture est d’un à six ans d’emprisonnement. Le Comité contre la torture (Committee Against Torture – CAT) des Nations unies considère que les peines prévues ne sont pas proportionnelles à la gravité du crime. L’État a gracié, depuis 1998, 33 membres des forces de sécurité accusés de cette infraction[^2].

En 2011, le CAT a demandé à l’État espagnol de limiter le régime d’isolement aux cas strictement nécessaires et de ne pas en prolonger la durée au-delà de 14 jours.

Raquel E.F. se suicide, le 11 avril 2015, après avoir passé neuf mois à l’isolement. Le personnel de la prison de Brians I (Barcelone) a décidé de la maintenir à l’isolement bien que la détenue ait manifesté des intentions suicidaires. Le cas a fait l’objet d’ une importante couverture médiatique : Raquel a laissé une lettre adressée au juge de surveillance pénitentiaire (Cf. Accès au droit) dans laquelle elle dénonçait les mauvais traitements qui lui étaient infligés par des fonctionnaires quelques jours avant. Le Centre Iridia pour la défense des droits de l’homme a déféré le cas aux autorités judiciaires compétentes[^3].

[^1]:“La situación de la tortura en España” dans eldiario.es, 13/10/2013

[^2]:“En España se tortura” dans eldiario.es, 12/02/2014

[^3]:“Reclaman responsabilidades a la Generalitat por el suicidio de una presa que denunció maltratos” dans eldiario.es, 13/04/2016