Contributeur(s)Esther Pascual - ICAM | Monica Aranda - OSPDH

Populations spécifiques

Le SGIP compte en décembre 2015,61 614 personnes privées de liberté dans tout le pays, dont 52 804 en Espagne et 8 810 en Catalogne. 56 891 d’entre elles sont des hommes (92.34 %) et 4 722 des femmes (7.66 %). Selon les statistiques pénales de 2015 du Conseil de l’ Europe (SPACE), le taux d’incarcération en Espagne est de 137.8 et de 117.3 en Catalogne. Le taux de l’Espagne est le neuvième le plus élevé de l’Union européenne, malgré des indices de la délinquance relativement bas.

Le taux d’occupation des prisons en 2010 était le troisième le plus élevé d’Europe. Depuis, la population carcérale a diminué de 19 %, passant de 76 079 détenus en 2009 à 61 614 en 2015. L’ACAIP signale une diminution de 3 406 détenus en 2015, soit 5.2 %. La réforme du Code pénal de 2010 réduit la durée des peines applicables à certains délits (principale raison pour laquelle la population carcérale a connu une si forte augmentation jusqu’à cette date) et favorise le recours à des peines alternatives pour des infractions liées à la sécurité routière. Selon le SPACE, le taux d’occupation des prisons était, en 2014, de 84.5 % pour l’Espagne et de 82.8 % pour la Catalogne. La population carcérale est cependant inégalement répartie dans le pays. Quelques centres, voire quelques quartiers au sein d’un même établissement, peuvent être encore surpeuplés.

Les détenus sont classés par catégories selon un système de degrés :

  • Le premier degré correspond au “régime fermé”, réservé aux personnes considérées comme potentiellement dangereuses par l’administration pénitentiaire. Les prévenus peuvent être aussi soumis à ce régime.

  • Le deuxième degré correspond au “régime ordinaire” dans le cadre duquel les personnes peuvent travailler, suivre des cours, recevoir des visites.

  • Le troisième degré est le “régime de semi-liberté” pour lequel les circonstances personnelles (enfant, maladie), la gravité de l’infraction et le comportement du détenu sont pris en considération. Jusqu’en 2015, les personnes condamnées à une peine de plus de cinq ans devaient en avoir effectué au moins la moitié avant de pouvoir être classées en catégorie de troisième degré. La grande réforme du Code pénal de juillet 2015 supprime cette exigence. Dans la pratique, elle s’applique encore aux détenus qui ont une fiche IR (Internos Radicalizados en espagnol) (Cf. La Sécurité).

La Commission de traitement révise la classification de chaque détenu(e) tous les six mois ou tous les trois mois pour la catégorie de premier degré.

Prévenus

12,4 %

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31/12/2015
/ Total national - SGIP

Le pourcentage de femmes détenues en Espagne (7.6 %) est le plus élevé d’Europe (5.3 % en moyenne). 50 % des délits sont liés à la drogue contre 30 % pour les hommes. 28 % des femmes détenues sont étrangères.

Quatre prisons sont exclusivement destinées aux femmes en Espagne (Alcalá de Guadaira à Séville, Brieva à Avila, Alcalá, Madrid 1) et une en Catalogne (Donas de Barcelone). Les autres femmes détenues purgent leurs peines dans des quartiers dédiés de prisons essentiellement masculines. Les femmes qui résident dans une région où la prison ne dispose plus de place sont obligées d’exécuter leur peine loin de leurs familles.

Les femmes détenues ont un accès plus limité que les hommes aux espaces communs (bibliothèque, salle de sport, parloirs, théâtre). Elles ont également moins de possibilités de participer à des activités ludiques ou culturelles, à des ateliers de production ou occupationnels et à des formations.

Un pourcentage élevé de femmes est classé en catégorie de premier degré. Celles qui souffrent de troubles psychiatriques ne reçoivent pas de traitement adapté. Des plaintes dénoncent régulièrement les difficultés d’accès aux consultations de spécialistes, la garde civile ayant tendance à ne pas assurer les transferts vers les cabinets médicaux le jour du rendez-vous. Dans les établissements autres que pour femmes exclusivement, l’infirmerie est réservée principalement aux hommes et les femmes détenues y ont donc difficilement accès. Cependant, certains impératifs de santé propres aux femmes bénéficient d’un suivi : la contraception, les soins durant la grossesse et l’éducation maternelle.

Les femmes détenues se plaignent de la présence irrégulière de gynécologues à l’infirmerie. Les accouchements ont lieu dans les hôpitaux qui ont passé un accord avec l’administration pénitentiaire.

L’Espagne autorise les mères détenues à vivre avec leurs enfants jusqu’à l’âge de trois ans. En 2014, deux cents enfants vivaient sous ce régime. Les mères peuvent être affectées à l’une des huit unités spécifiques installées dans un établissement pénitentiaire. Elles doivent être classées en catégorie de troisième degré, étant donné qu’elles vivent en régime de semi-liberté.

Les “unités maternelles”, expérience pionnière en Europe dans les années 80, sont de petits appartements qui dépendent de l’administration pénitentiaire mais ne font pas partie d’un établissement pénitentiaire. Le régime de semi-liberté y est appliqué et la surveillance est assurée par des caméras, des alarmes et des détecteurs. Les enfants sont accueillis dans des garderies situées dans la résidence. La prison d’Aranjuez comprend une unité familiale où le père et la mère incarcérés peuvent vivre avec leurs enfants de moins de trois ans.

Femmes détenues

7,6 %

La gestion des centres pour mineurs relève de la compétence des Communautés autonomes (et non du ministère de l’ Intérieur). Les chiffres relatifs aux enfants détenus sont opaques car la majorité des centres pour mineurs sont gérés par des entreprises privées. La Catalogne est la seule communauté autonome qui gère ses centres pour mineurs, mais, selon le rapport SPACE 2014, elle ne publie pas non plus ses chiffres.

La loi sur la responsabilité pénale du mineur s’applique aux enfants de 14 à 18 ans. Ceux qui n’ont pas atteint cet âge sont pénalement irresponsables. Les mesures de détention s’appliquent uniquement aux délits définis comme graves dans le Code pénal. Le juge des enfants peut se prononcer sur les cas de jeunes âgés de 18 à 21 ans si le juge d’instruction l’estime nécessaire. Les jeunes, condamnés alors qu’ils sont mineurs, sont transférés dans une prison lorsqu’ils atteignent l’âge de 23 ans. Les mesures applicables peuvent aller d’un avertissement à une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans pour les délits violents. Les enfants condamnés à des mesures privatives de liberté sont placés dans le centre pour mineurs le plus proche de leur domicile pour favoriser le maintien des liens familiaux. Il existe trois types de régimes : fermé, semi-ouvert (les mineurs résident dans le centre, mais étudient ou travaillent à l’extérieur) et ouvert.

Dans son rapport de 2015, la Coordination pour la prévention et la dénonciation de la torture (CPDT) évoque le cas de Q.M.R.F., décédé le 13 mars dans un incendie survenu dans le centre pour mineurs En Pinares (Majorque). Selon les déclarations de quatre ex-surveillants, le système de contrôle d’incendie ne fonctionnait plus depuis dix ans, il n’ y avait pas de détecteurs de fumée et les fenêtres étaient scellées. L’accès a été refusé à la garde civile et à la police locale qui se sont présentées avant les services d’urgence[^1].

[^1]:“En Es Pinaret occurren accidentes a diario, es una bomba de relojería” dans El Mundo, 24/10/2915

En décembre 2015, le SGIP compte 24 144 détenus étrangers contre 19 697 en décembre 2014, soit une augmentation de 8.9 %. Les étrangers représentent, cette même année, 39.2 % de la population carcérale.

Le rapport de 2015 du SGIP indique que les pays d’origine les plus représentés sont le Maroc, la Roumanie, la Colombie, l’Équateur, la République dominicaine, l’Algérie et le Royaume-Uni. 24.1 % des détenus étrangers sont condamnés pour trafic ou vente de stupéfiants. En 2014, parmi les personnes condamnées à des peines inférieures à six ans d’emprisonnement, 456 ont préféré être expulsées du pays plutôt que purger leur peine. 213 ont été expulsées après avoir purgé les trois quarts de leur peine.

La loi dispose qu’un interprète assiste un détenu étranger et l’informe de ses droits. Dans la pratique cette présence n’est pas assurée. Aucun quartier spécifique n’est réservé aux détenus étrangers.

Les sanctions prévues en cas de séjour irrégulier sur le territoire espagnol sont d’ordre administratif (amende ou expulsion).

Étrangers détenus

39,2 %

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31/12/2015
/ Total national - SGIP

Selon le SGIP, 1 386 détenus étaient âgés de plus de 60 ans en 2014.

L’article 92 du Code pénal permet la libération anticipée à partir de 70 ans, sous réserve que la personne soit classée en catégorie de troisième degré.

Une grande partie de ces personnes est détenue à l’infirmerie du centre la majeure partie du temps. Depuis 2012, l’ACAIP réclame un plan qui tienne compte des besoins de ces personnes ainsi que la construction d’installations adaptées[^1] [^2].

[^1]:“Una jubilacion entre rejas” dans El Pais, 12/2012

[^2]:“Instrucción 8/2011. Atención integral para las personas mayores en el medio penitenciario”, ACAIP

Un grand nombre de détenus souffre de maladies ou de troubles mentaux. L’Espagne ne compte que deux établissements pénitentiaires psychiatriques, à Séville et à Alicante. Ceux-ci ne disposent pas d’assez de places pour accueillir toutes les personnes détenues atteintes de troubles mentaux qui devraient en bénéficier. Selon les organisations de défense des droits humains, l’administration pénitentiaire néglige cette catégorie de personnes qui constitue au moins 25 % de la population carcérale espagnole. L’analyse des chiffres officiels montre qu’en moyenne 46 % des admissions dans les infirmeries des établissements pénitentiaires sont dues à une pathologie psychiatrique. 25 000 cas environ ont été recensés au cours des trois dernières années. Le Secrétariat général des Institutions pénitentiaires ne connaît pas exactement le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux détenues dans les prisons, le lieu de leur détention ou le nombre de personnes déclarées irresponsables.

Les personnes souffrant de handicaps physiques importants peuvent être classées en catégorie de troisième degré pour des raisons humanitaires.
Dans son rapport de 2015, la CPDT dénonce le décès de P.M. dans la prison Séville II, après que sa mise en liberté conditionnelle pour maladie grave et incurable eut été refusée. Un cancer du larynx en phase terminale lui avait été diagnostiqué.