Contributeur(s)Human Rights Information Centre / Ukraine without torture / Prison Insider

L’intégrité physique

La peine de mort est abolie le 22 février 2000. La dernière exécution a lieu le 11 mars 1997.

Le service pénitentiaire d’Etat dénombre, au 25 août 2016, 1 552 prisonniers condamnés à perpétuité.

L’article 12 du Code pénal stipule que la prison à perpétuité peut être appliquée dans les cas de crimes particulièrement graves énumérés dans l’article 115 (meurtre de deux personnes ou plus, meurtre d’un otage, meurtre commandé…). Cette peine ne peut être imposée aux personnes ayant commis un crime avant 18 ans, aux personnes de plus de 65 ans et aux femmes enceintes au moment des faits ou au moment du jugement.

Les conditions de détention des prisonniers condamnés à perpétuité se sont améliorées depuis l’adoption, en septembre 2013, de la loi 435-VII. Ils disposent des mêmes droits de visite que les autres prisonniers. Ils ont la possibilité de travailler dans leur cellule. Les prisonniers à perpétuité sont séparés des autres prisonniers. Ils peuvent être réintégrés parmi eux après avoir purgé 20 ans de peine.

Les prisonniers à perpétuité sont enfermés 23 heures par jour. Ils ne sont pas autorisés à entrer en contact entre eux ni avec les autres prisonniers. Ils sont sous surveillance vidéo constante dans leur cellule. Ils sont menottés lorsqu’ils en sortent.

La grâce présidentielle peut être accordée à un prisonnier à perpétuité après au moins 20 ans de prison. Le Président Poroshenko n’en a pas accordé depuis sa prise de fonction.

Le Président utilise, en novembre 2015, son droit de veto pour un projet de loi donnant la possibilité de commuer une peine à perpétuité en une peine de 25 ans de prison en prenant en compte les années déjà passées en détention. Il argue que l’introduction de la libération conditionnelle mettrait fin au droit de grâce pour ces personnes.

En raison des mauvaises conditions de détention, l’Ukrainian Helsinki Human Rights Union compare dans un rapport la condamnation à perpétuité à une lente peine de mort.

Le cas de Vladimir Petukhov illustre les difficultés liées à la condamnation à perpétuité. Il est arrêté, en juin 2001, et condamné, en décembre 2004, à la prison à perpétuité dans la colonie 13. M. Petukhov y contracte la tuberculose en raison des mauvaises conditions de détention. Il est roué de coups par le personnel pénitentiaire lorsqu’il demande à consulter un médecin. Il demande un nouveau procès car ses aveux auraient été obtenus sous la contrainte. La libération des condamnés à perpétuité est compliquée sur le plan juridique. La Cour européenne des droits de l’Homme se saisit, en 2016, du dossier de M. Petukhov.

Au cours des trois premiers mois de 2017, 144 prisonniers sont morts contre 112 pendant la même période en 2016.

Des violences entre détenus sont signalées. Un prisonnier du centre correctionnel de Shepetivka est mort, le 6 juin 2016, des suite d’un traumatisme cranien causé par un codétenu.

Yevhen Zakharov, représentant de la Coalition “Against Torture” rapporte, le 19 avril 2017, que le nombre de suicides en prison s’élève à 66 pour 100 000 prisonniers. Il est trois fois supérieur à celui du pays qui s’élève à 22 pour 100 000.

Nombre de décès

0

La torture et les mauvais traitements sont prohibés par l’article 28 de la Constitution. Cependant, la définition de la torture dans le droit ukrainien n’est pas conforme aux standards internationaux. Elle est définie comme un acte volontaire visant à provoquer des souffrances physiques ou mentales sévères par le biais d’actions violentes. L’emploi des termes “acte violent” restreint son champ d’application : empêcher un prisonnier de se nourrir est, par exemple, considéré comme un acte de torture selon les critères internationaux mais pas par le droit ukrainien.

La police est rattachée au bureau du Procureur général. C’est lui qui a la charge des enquêtes relatives aux accusations de torture. En raison de ce manque d’indépendance, les enquêtes sont rares.

Dans un rapport conjoint, Amnesty International et Human Rights Watch dénoncent, en juillet 2016, les mauvais traitements et l’usage de la torture dans des prisons secrètes gérées par les services secrets (SBU).

Les personnes détenues font parfois face à un manque de confidentialité dans le dépôt des plaintes relatives aux mauvais traitements. Le personnel pénitentiaire censure et décourage les plaintes. Ils pénalisent et maltraitent les prisonniers qui remplissent les formulaires.

Les allégations de mauvais traitements dénoncées par les prisonniers émanent essentiellement des colonies 25 et 100. Une délégation du Comité pour la prévention de la torture (CPT) les a visitées du 9 au 16 septembre 2014, puis de nouveau du 21 au 30 novembre 2016. Une nouvelle visite est prévue en 2017. Les violences dénoncées sont commises par le personnel pénitentiaire dans le but de maintenir l’ordre. Les détenus attestent avoir été victimes de passages à tabac, de viols, d’utilisation de camisoles de force et de strangulation de l’abdomen avec une corde au point de les faire déféquer.

Le personnel de la colonie 113 (centre correctionnel de Kyzhopil) a systématiquement violé, en 2016, les droits des prisonniers. Des allégations d’actes illégaux commis par l’administration pénitentiaire sont signalés : passages à tabac, travail forcé et non rémunéré et manque de soins médicaux. Ces conditions de détention ont poussé l’un des détenus à commettre une tentative de suicide.

Il n’y a pas d’amélioration durable des conditions de détention. Ces dernières ne respectent pas l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Des mesures ont tout de même été prises. Le CPT constate, en 2014, une amélioration des conditions de détention dans les colonies 81 et 89 avec une diminution du nombre de plaintes relatives à de mauvais traitements ou à de la torture. Le Sous-comité pour la prévention de la torture des Nations unies note dans son rapport, en 2016, une amélioration des conditions de détention, en particulier la réduction de la surpopulation dans les centres de détention provisoire. Il remarque également l’utilisation croissante de mesures autres que l’emprisonnement avant le procès.

Malgré ces avancées, le conflit entre les forces dites pro-ukrainiennes et pro-russes est à l’origine d’abus dans les deux camps. Le SBU est régulièrement accusé de maltraiter les personnes détenues dans ses prisons secrètes.

“Quand j’étais détenu au centre détention provisoire d’Odessa, j’ai pensé que ce n’était pas possible pour un être humain de vivre dans de si mauvaises conditions. Quand on m’a emmené dans les locaux du SBU à Kharkiv, j’ai pensé : Odessa est un endroit où il fait bon vivre. A Kharkiv, on ne pouvait pas parler ou se plaindre à qui que ce soit. Il n’y avait ni loi ni ordre. Nous ne savions pas si nous survivrions à chaque nuit”

Ancien prisonnier détenu secrètement dans les locaux du SBU à Kharkiv, déclaration recueillie par la Human Rights Monitoring Mission in Ukraine dans son rapport entre le 16 novembre 2016 et le 15 février 2017.

Les autorités continuent de détenir arbitrairement des individus pour des charges liées au conflit entre les forces pro-gouvernementales et pro-russes. Cependant, le nombre de détentions arbitraires diminue par rapport à 2014 et 2015. Les personnes concernées sont détenues pendant plusieurs heures, voire jours, sans être officiellement arrêtées ou inculpées. Elles ne peuvent pas contacter d’avocat. Au cours de cette période, les personnes détenues se voient infliger des douleurs physiques et psychologiques, parfois assimilables à de la torture ou des mauvais traitements[^détention secrète].

Les ONG Human Rights Watch et Amnesty International dénoncent, en 2016, l’existence de prisons secrètes gérées par les services secrets (SBU) à Kharkiv, Kramatorsk, Izyum et Mariupol[^you don’t exist]. Les échanges de prisonniers entre le gouvernement ukrainien et les séparatistes pro-russes semblent être en grande partie à l’origine des détentions arbitraires et secrètes. Sur les 18 cas étudiés dans le rapport, la moitié fait l’objet d’un échange de prisonniers entre les deux camps. Les détentions secrètes durent entre 6 semaines et 15 mois.

Le contexte des opérations anti-terroristes a des conséquences sur les conditions de détention. Des personnes arrêtées dans ce cadre attestent devant le Comité pour la prévention de la torture avoir été détenues secrètement dans des locaux militaires pendant plusieurs jours (jusqu’à 10) avant leur transfert dans les locaux du SBU1.

Mykola Vakaruk est arrêté chez lui, en décembre 2014, en raison de ses opinions politiques contre le gouvernement de Kiev. Il est violenté pendant son interrogatoire. Menacé de voir ce traitement appliqué à sa femme, il accepte d’avouer ce qui lui est demandé. Il est alors transféré dans une prison secrète, à Kharkiv. Il y tombe malade en raison des mauvaises conditions de détention et doit subir une ablation du rein. Il est alors hospitalisé sous un faux nom. Suite au rapport publié par Human Rights Watch et Amnesty International, lui et douze autres prisonniers détenus secrètement sont libérés par le SBU. Mykola Vakaruk a été détenu secrètement pendant 590 jours.

Kostantin Beskorovaynyi a passé 15 mois dans la même prison secrète de Kharkiv. Conseiller municipal communiste dans le nord de Donetsk, il est arrêté en novembre 2014. Il est torturé puis forcé de signer des aveux. Il reste sans possibilité de contacter un avocat ou de communiquer avec l’extérieur jusqu’à sa libération en février 2016.

[^détention secrète]: Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, “Report on the human rights situation in Ukraine 16 November 2016 to 15 February 2017”, 2017.

[^you don’t exist]: Amnesty International et Human Rights Watch, “You don’t exist”, 2016.