Sécurité, ordre et discipline

Les fonctions de sécurité sont dévolues à

  • l’administration pénitentiaire
  • la police ou la gendarmerie

Le parc pénitentiaire dispose d’établissements, de quartiers ou de cellules dotés de dispositifs sécuritaires renforcés

oui

La prison de Condé-sur-Sarthe est qualifiée de “prison la plus sécuritaire de France”. Elle partage cette réputation avec la prison de Vendin-le-Vieil. L’établissement, divisé en trois quartiers (dont un dédié à la prévention de la radicalisation), est doté de sas, de hauts murs et d’un mirador “gigantesque”. L’avocate et présidente de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF), Delphine Boesel, qualifie cet établissement de “lieu bunkerisé et très oppressant”. Elle décrit : “les détenus vivent dans de petites unités totalement hermétiques les unes par rapport aux autres. Ils n’ont de contacts qu’avec ceux qui sont dans la même qu’eux”. L’administration aurait estimé, lors de son ouverture en 2013, que les prisonniers seraient affectés à cet établissement pour des périodes de neuf à douze mois, le temps “d’être recadrés”. Certains y sont placés depuis huit ans.

Les personnes détenues sont classées selon leur niveau supposé de dangerosité

oui

L’administration pénitentiaire peut placer une personne détenue sous un régime plus ou moins sévère en fonction de sa personnalité ou de sa dangerosité. La loi s’abstient de définir les différences de traitement auxquelles les détenus seront soumis en fonction du régime de détention qui leur est appliqué.
Le statut de “détenu particulièrement surveillé” (DPS) est créé en 1967. Il permet de classer certains détenus en raison de leur niveau de dangerosité présumé ou de leur risque d’évasion. Cette classification comprend “les individus liés au grand banditisme, les détenus désignés par l’administration pénitentiaire en raison des risques qu’ils présentent pour l’ordre public au égard aux faits commis, aux liens entretenus avec une association de malfaiteurs, aux probabilités d’agression ou d’évasion ainsi que les détenus contestataires ou particulièrement indisciplinés”. L’inscription, le maintien et la radiation de personnes détenues à ce répertoire revient au ministre de la Justice. Il en découle des mesures de sécurité spécifique, comme l’affectation dans une cellule proche des postes de surveillance, un contrôle renforcé de jour comme de nuit, des fouilles plus fréquentes et plus minutieuses, un examen méticuleux à toute candidature aux activités proposées en détention. Chaque DPS peut faire l’objet, au niveau de l’établissement, d’une note individuelle pour ajouter d’autres mesures (encellulement individuel, escorte renforcée lors des déplacements, rapports fréquents…). La personne est régulièrement déplacée d’une cellule ou d’un établissement à l’autre, de sorte qu’elle n’a pas le temps d’établir des repères. Le régime des DPS concernerait, chaque année, entre 200 et 250 personnes détenues.12
Un rapport, publié en mai 2023, fait mention de 225 personnes détenues en régime DPS. Ce document fait suite à une commission parlementaire chargée de faire la lumière sur la mort, en 2022, d’Yvan Colonna à la prison d’Arles. Le rapport indique que “le cadre légal du registre des DPS relève du niveau règlementaire et souffre d’une absence de définition dans la loi”. Il pointe de nombreux dysfonctionnements et affirme que le statut des DPS “n’a pas vocation à revêtir un caractère définitif a priori”. Le rapport formule 29 recommandations, dont un réexamen de l’inscription au répertoire des DPS et une plus grande précision dans les motivations qui président à l’inscription de la personne concernée.

Les modalités et procédures des fouilles corporelles sont réglementées. La loi autorise les fouilles corporelles, intégrales ou non, justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement d’un détenu fait courir à la sécurité des personnes et de l’établissement. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 autorise les fouilles de façon exceptionnelle lorsque les autres moyens de contrôle (palpation, détection électronique) demeurent insuffisants. Ces principes ne sont pas mis en œuvre. Ils se heurtent à l’opposition véhémente de certaines organisations syndicales de surveillants. Les fouilles à nu peuvent, depuis juin 2016, être décidées par des consignes générales fixant les lieux et les périodes où elles peuvent être opérées. Elles sont prévues indépendamment des critères liés à la personne détenue elle-même.

L’examen des cavités corporelles est effectué par un médecin

oui

Les investigations corporelles internes sont proscrites sauf impératif spécialement motivé. Elles doivent dans ce cas être effectuées par un médecin.

Les proches sont soumis, à leur entrée en prison, à un contrôle par

appareil électronique

Les conditions de fouilles des personnes incarcérées et les contrôles de leurs proches, imposés lors des visites, sont, pour certains, problématiques. Des personnes détenues refusent la venue de leurs proches pour ne pas s’exposer à ces procédures.

Les professionnels sont soumis, à leur entrée en prison, à un contrôle par

appareil électronique

Un surveillant du centre pénitentiaire de Varenne-le-Grand impose, le 16 août 2022, à une avocate de retirer son soutien-gorge et de le placer dans un casier pour pouvoir voir son client. Au moins trois autres avocates signalent qu’il leur est arrivé la même chose en juillet et août 2021. Le directeur de l’administration pénitentiaire qualifie cette pratique de manquement aux obligations déontologiques devant être suivi d’un recadrage de l’agent concerné voire d’un blâme.

Le personnel de surveillance dispose

  • d’armes non-létales
  • d’armes à feu

Les personnels de surveillance ne sont pas dotés d’armes à feu. Elles peuvent être utilisées depuis le mirador en cas d’évasion et selon certaines règles. Chaque prison dispose d’une armurerie dont l’usage est réservé aux situations extrêmes.
Des Équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP) sont en charge de la sécurité périmétrique des établissements pénitentiaires. Elles remplacent les Équipes locales d’appui et de contrôle (ELAC) et reprennent certaines missions des Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), notamment les transfèrements de détenus et les extractions médicales avec escorte. Les agents des ELSP sont tenus de suivre une formation de huit semaines. Ils portent sur eux une bombe lacrymogène, un casque, un bouclier en cas d’attaque et disposent d’armes comme un pistolet, une gazeuse et un bâton de défense télescopique. Annoncé depuis 2018, le déploiement des ELSP s’est accéléré, en 2021 notamment, à la prison de Sequedin (Nord), après plusieurs tirs de mortiers et de feux d’artifice au cours de l’année.
L’utilisation des pistolets à impulsion électrique (PIE) en détention s’élargit. Un arrêté pris en novembre 2021 étend la possibilité d’utiliser un PIE à toute personne appartenant à une équipe de sécurité pénitentiaire (ESP). Une partie des agents pénitentiaires, en charge des transferts et extractions judiciaires ou de la sécurité intérieure et périphérique peut désormais avoir recours à cette arme dite “intermédiaire”. Le PIE peut être utilisé “pour répondre à une agression physique” ou encore en cas de “comportement dangereux ou menaçant”. La section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) dénonce une protection juridique insuffisante face au recours au PIE.

Un corps d'intervention spécialisé est constitué pour le maintien de l’ordre

oui

Les équipes régionales d’intervention spécialisées (ERIS) participent au rétablissement et au maintien de l’ordre en cas de mouvements collectifs ou individuels.

Des programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV) sont mis en œuvre dans 79 établissements. Les personnes détenues jugées les plus dangereuses sont placées dans des “places étanches”, au nombre de 450 en 2023. Les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) sont, en 2021, au nombre de sept. Chacun compte douze places. L’un d’entre eux, situé à Fresnes, est dédié aux femmes. Il est doté de huit places. Les personnes détenues soupçonnées d’être radicalisées qui font un séjour en QER sont ensuite orientées vers la détention ordinaire, l’isolement, ou dans un quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR).
Les QPR sont au nombre de sept : Lille-Annoeullin, Condé-sur-Sarthe, Paris - La Santé, Aix-Luynes, Nancy, Bourg-en-Bresse, Rennes. Les QPR admettent les “détenus les plus prosélytes ou potentiellement violents” et dénombrent 189 places. L’un d’entre eux, situé à Rennes, est dédié aux femmes. Il est doté de 16 places.

L'administration consigne les incidents

oui

Un établissement peut être amené à transférer ses détenus, de façon préventive, contre le risque d’inondation. C’est le cas de la prison de Saintes (Charente-Maritime) en 2023, qui transfère temporairement 142 personnes détenues.

Nombre d’évasions

859

i
2020
/ Conseil de l’Europe, SPACE I – Rapport 2021, p. 119.

Nombre d’agressions envers les personnels

4 314

Le nombre d’agressions envers le personnel a augmenté de 5,8 % entre 2016 et 2017.

i
2018
/ administration pénitentiaire

Les mouvements collectifs sont recensés

oui

Les mouvements de protestation collective ont habituellement pour objet la dénonciation des conditions de détention ou les dysfonctionnements de l’établissement. Ils prennent la forme d’un refus de remonter de cour de promenade, d’un refus des plateaux repas ou d’un rassemblement dans les ateliers. Tout mouvement collectif constitue une faute disciplinaire et peut faire l’objet d’un passage en commission de discipline et d’une sanction disciplinaire.

Les infractions à la discipline sont définies par les textes

oui

Le régime et la procédure disciplinaires disposent de certaines garanties procédurales, comme la présence d’un avocat et la participation d’un assesseur indépendant de l’administration à la commission de discipline.

Le prononcé d'une sanction disciplinaire fait l'objet d'un débat contradictoire

oui

La personne détenue peut être assistée d’un avocat

oui
i
Code pénitentiaire, article R. 213-21).

La personne détenue peut faire appel d’une sanction disciplinaire

oui

Les sanctions disciplinaires peuvent être collectives

non

Le placement à l'isolement est utilisé à des fins de

  • protection de la personne
  • sécurité

Les personnes détenues en crise psychique peuvent être placées en cellule d’isolement disciplinaire ou en cellule de protection d’urgence (CproU) en attendant leur transfert en hôpital psychiatrique. Les CproU sont généralement réservées aux personnes présentant un risque de suicide.1

Le placement à l'isolement se fait sur

  • ordre d’un magistrat
  • décision du directeur d’établissement
  • demande de la personne détenue

La durée du placement à l’isolement est limitée

oui

La durée du maintien en cellule de protection d’urgence (CproU) ne peut, théoriquement, excéder 24 heures. Il n’est pas rare qu’un détenu placé le vendredi soir y passe le week-end.
Une personne détenue est maintenue à l’isolement pendant plus de deux ans. Il affirme avoir été soumis à un traitement inhumain et dégradant. Il estime également avoir subi une violation de son droit au respect de sa vie privée. Il énonce que les décisions maintenant son isolement ne sont pas suffisamment justifiées. La Cour européenne des droits de l’homme met en cause la France pour ces faits.

Le renouvellement est possible

oui

Le placement à l'isolement fait l'objet d'un réexamen régulier

oui

La mesure de placement à l’isolement se déroule dans un quartier dédié.
Une députée, une journaliste et une membre de l’OIP-SF constatent, lors d’une visite en novembre 2022, l’état “déplorable” du quartier disciplinaire au centre pénitentiaire de Saint-Étienne la Talaudière. Les murs sont couverts de graffitis marron - peut-être issus de déjections -, les toilettes sont rouillées, des rats prolifèrent, des détritus sont déposés entre les grilles et les fenêtres, la luminosité est faible, l’odeur d’urine est omniprésente. Une partie du toit est arrachée, une “poutre se serait effondrée en pleine coursive”. En l’absence de toiture, l’eau s’infiltrerait, les murs seraient gorgés d’eau, “cloqués”.